♣_______Page mise à jour le 2 janvier 2018 vers 10h30 TUC |
Chaque étape a évidemment apporté son lot de problèmes...
Pourtant, à première vue, on était en terrain dégagé : il suffisait de repérer sur le plan les principaux bâtiments, puis de trouver un chemin les reliant.
Conséquence de 2 et 3, j'avais placé ces deux bâtiments de façon arbitraire, pas trop éloignés l'un de l'autre, à un petit kilomètre de la gare (voir l'image de droite dans Archives ).
Mais c'est alors qu'une visite plus approfondie du site Innsmouthmania [⇒] a révélé les pages Explorations/Lieux consacrées à la situation ces divers points stratégiques vers 1930 :
Double ironie de l'Histoire :
Autre conséquence de ces changements d'adresse : le trajet entre la gare, la l'auberge et la bibliothèque était beaucoup plus court que précédemment, et il devenait possible de laisser chacun de ces bâtiments à sa place réelle.
Restaient pourtant deux questions :
a} en quittant la bibliothèque et avant de rentrer à l'auberge, le narrateur passe par les locaux de la Société historique de Newburyport. Ce bâtiment existe aujourd'hui, à quelques centaines de mètres de la bibliothèque ; le trajet bibliothèque ›› Société historique ›› auberge de jeunesse était donc facilement réalisable ; mais l'installation de la Société dans ces locaux est assez récente ; n'ayant pas pu trouver de localisation certaine pour la période considérée, je l'ai placée à l'endroit qui convenait le mieux au déroulement de l'activité, compte tenu de ce qui suit ;
b} la chronologie : d'une part, s'il est généreux en détail sur les lieux, le narrateur l'est nettement moins sur les horaires, au moins pour cette première journée ; de l'autre, le romancier dispose d'une liberté chronologique impossible à transposer dans une activité de MSTS. Ainsi peut-on lire « dans le courant de la soirée » ou encore « deux heures plus tard » - mais l'activité, elle, doit commencer à une minute précise, et son temps, se dérouler de façon imperturbable. Il a donc fallu choisir mais aussi adapter, voire modifier.
Les principaux changements sont :
Quelques astuces utilisées :
Dans MSTS, le terrain sur lequel sont placés les voies et tout le décor qui les entoure est divisé en parcelles (tiles ), carrés d'un peu plus de deux kilomètres de côté ; et le programme enregistre l'ensemble des objets placés sur une parcelle donnée dans un fichier qui lui est dédié. Malheureusement, quand la parcelle devient trop chargée, les choses se gâtent :
a) l'éditeur n'enregistre plus tantôt qu'une partie du fichier, tantôt rien du tout (paradoxalement, cette dernière situation est préférable, parce qu'on se rend compte de l'erreur dès la réouverture suivante) ;
b) rien, dans le programme, ne signale l'anomalie ;
c) personne ne sait précisément ce qui constitue le maximum à ne pas dépasser.
C'est cette mésaventure qui m'est arrivée sur la parcelle de Newburyport : pendant le travail sur la deuxième activité, un bon tiers du décor de la première s'est envolé, et ce n'est que plusieurs semaines plus tard que la disparition s'est révélée. Il a donc fallu non seulement reconstituer les éléments manquants mais aussi prévenir la répétition de cet accident, en créant deux lignes (en partie identiques), l'une pour le trajet (à pied) allant de la gare à la bibliothèque, la Société historique puis l'auberge de jeunesse ; l'autre, pour le trajet (en autobus) allant de Market Square à High Street puis Newbury et Innsmouth.
La même situation s'est d'ailleurs répétée par la suite pour la parcelle supportant Innsmouth ; par chance, chacune de ces activités laisse de côté une partie de la ville, qu'il est possible de dégarnir pour éviter à l'ensemble de tomber dans l'obésité.
Pour la transposition, tout commençait bien puisque Lovecraft précise que le narrateur attendait l'autocar à dix heures du matin, sur le trottoir au bas de State Street, devant la pharmacie ; que demander de plus ? mais deux problèmes (de nature totalement différente) se cachaient derrière cette clarté.
Pour la suite, le trajet par State Street puis High Street (qui s'appelait à l'époque High Road ) jusqu'au-delà de la rivière Parker ne demande qu'à s'attacher à la réalité actuelle le plus fidèlement possible, à l'exception du tramway (aujourd'hui disparu, mais que MSTS ne pouvait manquer de ressusciter).
Le basculement entre le monde réel et le monde imaginé se fait à un endroit très précis dans la nouvelle, au milieu de la page 416 : tandis que notre chemin étroit s'éloignait de la grand-route qui menait à Rowley et Ipsiwch.
Fixer cet embranchement sur la carte est plus délicat parce que sa localisation est liée à celle d'Innsmouth
Pour voir les lieux actuels dans GoogleStreet ,
Puisque la suite du trajet dépend de l'endroit où l'on situe Innsmouth, on trouvera dans l'annexe III [⇒] une discussion de ce problème - assez âprement débattu ; indiquons seulement ici que, dans Dagon, la ville est placée au nord-est d'Ipswich, comme dans la carte publiée par Hoodinski sur Wikimedia Commons :
NB- A été ajoutée, sous forme d'une ligne violette, la limite entre les lieux réels et ceux qui appartiennent en propre aux nouvelles de l'écrivain. On pourra noter que (sauf erreur) nulle part les deux mondes ne s'interpénètrent. |
Lovecraft y consacre deux descriptions successives - pas toujours facilement conciliables. L'annexe V [⇒] revient plus en détail sur cet épisode.
Un seul endroit demande un traitement particulier : la traversée de New Church Green. Certes, l'autobus de Joe Sargent doit rouler lentement à cet endroit ; mais rien n'indique un arrêt – si bien que l'on peut estimer à moins d'une quinzaine de secondes le trajet en demi-cercle qu'il effectue pour contourner le terre-plein central ; or, durant ces quelques secondes, le narrateur a le temps
La simple lecture de cet épisode demande plus d'une minute ; ainsi, voir ou conduire, il faut choisir, et autant voir : l'autobus s'arrête donc devant le temple maçonnique puis devant l'église, permettant au narrateur de dire ce qu'il a à dire.
Quelques astuces utilisées :
Dans la nouvelle, il n'y a aucune interruption entre l'arrivée du narrateur à l'hôtel (où il dépose sa valise) et la suite (la découverte de la ville) - pas même un changement de chapitre. Mais MSTS ne permet pas de procéder au changement de statut nécessaire (passager a conducteur) à l'intérieur d'une même activité.
Le projet initial était donc de créer une activité partant de l'hôtel Gilman, le matin vers onze heures et y ramenant le narrateur le soir vers huit heures, pour prendre l'autobus vers Arkham ; le trajet lui-même représente environ une demi-heure, à laquelle s'ajoutait un quart d'heure de station pour le récit de Zadok Allen. Mais...
Notule technique :
On sait que le propre de l'informatique est d'ignorer le hasard ; un programme s'exécutera toujours de la même manière, à la micro-seconde près, si les conditions sont rigoureusement identiques. C'est vrai pour une grande partie de MSTS : les rames de trafic (gérées par le programme et non par un joueur) démarrent toujours à l'heure prévue et se retrouvent toujours au même point au même moment ; de même, la bande son (incluse en l'occurrence dans un wagon) se déroule toujours de façon identique ; malheureusement, il n'en va pas de même pour la rame du joueur (le véhicule conduit par l'utilisateur) - et cela, même en ITR, quand c'est le programme lui-même qui conduit ; il a été question de ce dernier cas dans l'activité précédente (d'où les deux arrêts de l'autobus pour resynchroniser le commentaire) ; mais c'est également vrai pour un conducteur humain : sur un trajet d'une dizaine de minutes, en avançant toujours à la même vitesse affichée (le véhicle a été modifié pour avancer uniquement à 10,4 km/h, à 1 % près), on peut constater des différences de plus d'une minute - le temps de parcours étant plus long en fin de journée qu'à l'allumage de l'ordinateur (peut-être une question de dégradation des espaces de mémoire utilisés par le programme non seulement pour calculer l'avance du véhicule, mais aussi pour dessiner le décor, qui en dépend).
Or, dans cette activité, le narrateur doit croiser Zadok Allen sur la grand-place et être suivi par le vieil homme le long de Main St puis Water St jusqu'au terrain vague près du port ; et cela, après un quart d'heures de déambulations solitaires dans Innsmouth. Il est facile de comprendre qu'attendre Zadok pendant plus d'une minute n'est guère envisageable, pas plus que d'arriver sur le terrain vague quand il en repart.
Seule solution : couper l'activité en deux, pour que la rencontre ait lieu dès le début de la deuxième partie, quand les variations de vitesse n'ont encore que peu d'incidence. Facétie de l'histoire : procéder de la sorte recoupe le découpage de la nouvelle elle-même, puisque c'est à ce moment-là que l'on y passe du chapitre II au chapitre III.
Du coup, l'activité 3a, partant de l'hôtel Gilman, passe au pied de l'usine Marsh puis devant les églises de Main St, remonte Water St jusqu'à Martin St avant de descendre Washington St jusqu'au pont - sans aucun événement ni procédé particulier (pour ne pas augmenter la charge de la parcelle, les trottoirs en relief ont disparu).
Il en va autrement de l'activité 3b ; comme indiqué plus haut, elle nécessite la transformation de Zadok Allen en rame de trafic, qui suit le narrateur jusque près du port ; or, nouvelle notule technique, MSTS bloque un tel véhicule tant que la rame principale n'a pas dégagé le secteur ; ce qui aurait nécessité toute une suite de signaux (cachés), Zadok allant de l'un à l'autre par petits sauts ; pour éviter ces complications, il a fallu utiliser des sections de voie D1t, comprenant deux chemins parallèles, à une vingtaine de centimètres l'un de l'autre (correspondant, dans la réalité, à des voies permettant le passage à la fois de véhicules à écartement normal et de véhicules à écartement réduit) ; ainsi, chacun peut circuler librement sur sa portion de voie.
Dans la nouvelle, arrivés sur le terrain vague, les deux hommes s'assoient sur des pierres moussues. Rien ne permettant de simuler dans MSTS le fait de s'asseoir ou de se lever, ils doivent rester debout, face-à-face. Dans le projet initial, il était prévu que le vieux Zadok fasse la totalité de son récit - qui occupe entre treize et quatorze minutes ; mais l'activité 5a souffrait, entre Innsmouth et Rowley, d'un vide de plus de douze minutes ; le face-à-face près du port a donc été ramené à deux minutes (l'entrée en matière et les deux cris précédant la fuite de Zadok), tandis que le reste de son récit allait meubler le trajet vers Rowley.
Si le retour du narrateur de Water St à l'hôtel ne pose pas de problème, les heures qui suivent présentent toute une série de difficultés, voire d'incompatibilités.
La suite doit se calculer à reculons : il est deux heures du matin quand il fuit l'hôtel par la fenêtre, après avoir traversé les deux chambres contiguës et déplacé divers meubles pour se protéger - une demi-heure au maximum. Il reste donc un vide de quatre heures, pendant lesquelles il est resté allongé sur son lit à écouter les bruits suspects venus du couloir.
Toutes ces raisons conduisent à arrêter l'activité 3b le plus tard possible (quand le narrateur s'apprête à monter dans sa chambre) et à faire débuter l'activité 4 le plus tôt possible (quand il entreprend de s'enfuir), en faisant l'impasse sur l'entre-deux.
Mais avant de mettre un terme à l'activité 3b, il a fallu régler le problème de la valise : pour qu'elle soit visible quand le narrateur entre (un peu avant huit heures), mais qu'elle ne le soit plus quand il revient un peu après cette heure fatidique (puisqu'il l'a à la main), il a fallu la transformer (elle aussi) en rame de trafic, arrêtée sur le comptoir au début puis partant pendant que le personnage a le dos tourné, pour laisser apparaître le registre censé la remplacer.
Pour les raisons exposées plus haut, cette activité commence seulement quand le narrateur s'est levé et a pris la décision de fuir l'hôtel - soit un peu avant deux heures du matin, le 16 juillet, et s'arrête en même temps que le chapitre IV, dans la tranchée de l'ancienne voie ferrée.
C'est certainement celle qui contient le plus de trucs et d'astuces :
Par la suite, en cours de route, le personnage voit
Situation inédite : alors que la vingtaine de minutes de la première activité correspondait à une dizaine de pages de texte, et que les suivantes restaient dans le même ordre de grandeur, l'essentiel de cette activité tient en une ligne :
Je m'acheminai lentement sur la route de Rowley.
Remarquons au passage que lentement tient de la litote, car, dans cette configuration des lieux, il n'y a pas plus de six ou sept kilomètres entre Innsmouth et la gare de Rowley ; comme le narrateur y arrive avant le soir, on peut estimer sa vitesse à environ un kilomètre à l'heure [ou un kilomètre par heure, pour satisfaire mes anciens collègues scientifiques].
Pour les besoins de la transposition,
a) entre Innsmouth et Rowley (puis Ipswich, Arkham et jusqu'à Salem), les distances ont été divisées par deux (d'où un trajet « réel » d'environ trois kilomètres) ;
b) la lenteur a été remplacée par une marche plus guillerette à une douzaine de kilomètres à l'heure, pour que le trajet corresponde au temps du témoignage de Zadok Allen (un petit quart d'heure).
Comme pour l'activité précédente, les indications de lieux ou d'horaires se limitent à quelques mots :
a) Je pris le train de nuit pour Arkham.
b) De Boston, je rentrai directement chez moi à Toledo.
Mais comme ce voyage de Rowley à Arkham et Boston est le seul trajet ferroviaire explicitement effectué par le narrateur, il semblait difficile de ne pas lui accorder de place. Il pose d'ailleurs un problème qui rappelle un peu le cas d'Innsmouth : Rowley, Ipswich, Hamilton (en amont d'Arkham), Beverly et Salem (en aval) se trouvent sur toutes les cartes un peu détaillées du Massachusetts, et la ligne de chemin de fer (comme on l'a déjà dit) est aujourd'hui encore exploitée. Mais Arkham (comme la voie ferrée qui y passe) appartient au seul imaginaire de Lovecraft. Heureusement, la localisation d'Arkham suscite moins de discussions que celle d'Innsmouth : la ville est censée se situer dans ce qui était (et est encore) une vaste forêt au sud-est de Hamilton (qui correspond grosso modo au Bolton de Lovecraft) et à l'ouest du lac Chebacco. Mais il n'existe aucune voie ferrée dans cette région, en dehors de la ligne (quasiment nord-sud) de Newburyport à Salem. Il faut donc la tracer.
La carte de Hoodinski (comme d'autres peut-être liées à elle) figure une branche partant de Webtham/Hamilton-sud et rejoignant Arkham d'ouest en est ; cela correspond assez bien à la carte schématique de la ville laissée par Lovecraft lui-même, mais réduit l'importance d'Arkham a a a D'autres cartes, au contraire (comme la Miskatonic Rail Road ), font passer par Arkham la ligne principale, grâce à un crochet entre le sud de Bolton/Hamilton et le nord de Berverly ; c'est l'option retenue dans Dagon (également pour éviter de faire Wentham-Arkham-Wentham). Placer le curseur de la souris sur la carte pour afficher cet autre tracé a a a |
Entre Rowley et Arkham, le narrateur de Dagon reste silencieux ; en repartant d'Arkham, il peut raconter sa rencontre avec M. Peabody, le responsable de la Société historique locale ; mais ce récit n'occupe que quelques minutes - bien moins que le trajet entre Arkham et Boston, même en divisant les distances par deux (ou trois). C'est pourquoi le voyage s'arrête à Salem - qui est un peu à Arkham ce que Newburyport est à Innsmouth.
Deux remarques encore :
a) pour ne pas multiplier les activités, il y a une ellipse chronologique (qui reprend le principe de celle de la bibliothèque municipale de Newburyport, en plus grand) : dans Dagon, le train et le narrateur arrivent à Arkham en fin de soirée du 16 juillet, ils en repartent quelques dizaines de secondes plus tard mais, dans la nouvelle, vingt-quatre heures au moins se sont écoulées ;
b) la gare de Salem a joué les grains de sable :
Nouvelle donne inédite pour cette dernière activité qui doit transposer un récit couvrant environ quatre ans. C'est donc un parcours symbolique qui a été choisi, retenant quelques éléments réels pour les insérer dans ce qui apparaît comme une forme de voyage initiatique (de l'ordre du rêve, dans la nouvelle).
a} Le point de départ est clair : Boston - terminus de la ligne venant de Newburyport, et correspondance pour les lignes permettant (en l'occurrence) d'aller dans l'Ohio. Mais il y a deux gares principales à Boston : North Station (où aboutissent logiquement les lignes venant du nord : Newburyport et le New Hampshire) et South Station (d'où partent toutes les autres) ; il est donc certain que le narrateur est arrivé à North Station ; mais d'où est-il reparti ? aujourd'hui, ce serait nécessairement de South Station ; au début du siècle précédent, un petit doute restait permis ; il a été mis à profit pour choisir North Station
Cette dernière partie, extérieure au « voyage initiatique », est née d'une frustration : pour limiter les risques de mauvais enregistrement des fichiers de parcelles (dont il a déjà été question à propos des deux premières activités), il a fallu ne conserver d'Innsmouth, dans chaque ligne, que le décor nécessaire à l'activité du moment. Par exemple, pour les activités 3a et 3b, le sud-ouest d'Innsmouth a été réduit à sa plus simple expression, alors que l'activité 4 l'a vu développer au détriment de la moitié est.
Une fois le voyage terminé, le désir est venu de recréer enfin une maquette (virtuelle) complète de la ville, en supprimant alors, pour l'alléger, les sections de voie nécessaires aux trajets du personnage. Du coup, les déplacements permis sont ceux de la vue 7 (que MSTS appelle Yard_Cam ), comparables à ceux qu'offre n'importe quel visualiseur de monde en 3D.
On peut donc trouver dans cette section quelques vues affranchies des contraintes qu'imposait le schéma narratif suivi dans les activités proprement dites :
La partie w aura d'ailleurs réservé une demi-surprise : jusque-là, le narrateur se déplaçant en autobus puis à pied, il avait suffi de placer des bâtiments le long des rues pour obtenir l'effet voulu ; mais ici, les vues aériennes rapprochées disqualifiaient le procédé ; et même l'ajout de quelques maisons à l'intérieur des polygones vides paraissait peu satisfaisant ; il a fallu recréer des pâtés de maison avec leurs ruelles et leurs cours intérieures ; mais que serait Innsmouth sans ses ruelles et ses cours intérieures ?