♣_______ Page mise à jour le 25 juin 2020 vers 00h50 TUC |
Les deux considérations précédentes ont conduit à mettre en ligne ce travail hic et nunc .
Deux raisons principales à ces tatouages.
Chacun des tatouages peut se définir par trois éléments :
Quand ces trois éléments semblaient évidents (2), pris individuellement aussi bien que dans leur harmonie, la réalisation intervenait. Mais auparavant, la mise au point (3) du projet de chaque tatouage est partie tantôt de l'un, tantôt de l'autre de ces trois éléments ; c'est ce qu'essaiera de faire ressortir leur petite histoire .
Le paragraphe consacré à Te Moko explique la genèse du premier tatouage ; mais ce qui devait venir après a pris forme dans les jours qui ont suivi sa mise au point.
La carte initiale aaa donne une idée assez fidèle du plan élaboré à ce moment-là ; on verra que ce plan a connu des modifications parfois substantielles, mais il est resté pour encadrer les réalisations ultérieures, comme l'indique l'état final de la carte des douze tatouages ci-dessous.
Précision aussi nécessaire que désabusée : la silhouette utilisée dans ces deux images n'est pas la mienne.
Une nuit (insomniaque) de juin 2005, le sentiment s'est imposé qu'il me fallait (4) un tatouage à l'intérieur de l'avant-bras droit. Tout est donc parti de là. Restait à trouver un motif à tatouer, en accord avec l'emplacement (rectangle allongé entre deux cicatrices, l'une au poignet, l'autre à la pliure du bras) ; un poignard ? le sens n'en était pas des plus heureux ; un serpent ? la longueur disponible paraissait trop réduite, et tout le monde n'est pas M. Cousin (23) ; c'est alors qu'est venue l'idée du lézard, mieux à adapté à l'espace disponible et, surtout, donnant un sens au tatouage : du Niger à la Guadeloupe, en passant par Wallis et même la Bretagne, les lézards ont toujours été de la fête.
Retour nocturne sur Internet pour voir ce qui existait en la matière : une demi-douzaine d'images se répartissant entre motifs réalistes et stylisés ; je préférais nettement ces derniers dans leurs versions polynésiennes, et plus particulièrement celui du milieu aaa
Seule ombre au tableau : les extrémités des pattes passaient mal ; d'où l'idée de les faire cercler autour du bras : plus d'extrémités, plus de problème ; et ce double bracelet formait un tatouage complémentaire bienvenu.
Les trois éléments constitutifs (lieu/sens/dessin) ayant atteint l'évidence, il ne restait plus qu'à passer à la réalisation. Mais, fin juin, le salon de tatouage de la Marina du Gosier était fermé pour la durée des vacances ; il a donc fallu attendre d'être à Paris pour le faire réaliser, par Bruno chez Abraxas, le soir du 14 juillet.
La cicatrisation ne posa pas de problème.
Genèse : 1- sens | 2- dessin | 3- lieu Sens : Imajeren - Aïr Style : semi-tribal monochrome Réalisation : Le Gosier - 20/09/05 [0 h 45] Après le motif polynésien, un tatouage se rattachant aux Imajeren semblait s'imposer, en pensant d'abord à la « croix d'Agadez » (cf. image Ⓐ) ; mais sa ressemblance avec |
Le dessin était presque terminé quand il fallut se rendre à l'évidence : j'étais allé à Tahoua, Agadez, In Gall et même Timia mais pas [encore] à Iférouane, plus au nord dans l'Aïr. D'où le croisement avec le signe de Bagezen (image Ⓒ), une montagne que l'on peut apercevoir depuis Timia.
Restaient deux achoppements :
|
La réalisation du tatouage (à la Marina du Gosier) et sa cicatrisation ont été parmi les plus rapides de toute la série.
Le bracelet était donc prêt mais il parut plus prudent d'amener le motif celtique r au même stade avant de passer à la réalisation ; d'autant plus que (contrairement au bracelet) ce motif restait mal défini : d'abord, fallait-il privilégier le sens (un motif celtique, pour la Bretagne) ou le dessin et le lieu (un ornement d'épaule tribal, essentiellement esthétique) ? ensuite, une fois retenu le motif celtique (en vertu du principe exposé dans le Pourquoi ? du préambule), le spectre de la récupération fut de retour : entre croix celtique et triskel plus ou moins gammé, on retrouvait les aléas de la croix d'Agadez – en nettement plus malaisant ; les sites ayant une section celtique furent donc mis à contribution jusqu'à trouver ce motif aaa
son esthétique me plaisait et il pouvait décemment représenter le monde celte ; la seul équivoque possible était l'écusson, qui le tirait vers le médiéval ou le New Age.
L'une des façons de rectifier le tir était de jouer sur les couleurs (pour ce motif ternaire, les six couleurs de l'arc-en-ciel semblaient s'imposer en jouant sur la dualité couleurs primaires/secondaires) ; c'est alors qu'apparut la possibilité d'ajouter au sens celtique le symbole des parts de vie qui ne devaient être présentes dans aucun des tatouages ultérieurs. Pourtant, le motif avait ses limites, et y caser les huit sens élus aboutissait à un dessin passablement surchargé, que la proximité du bracelet rendait encore plus kitsch ; la seule solution raisonnable était de lier les deux motifs, à la fois pour donner son unité à l'ensemble et pour reporter sur le bracelet le trop-plein de significations. Initialement, le motif LGBT+ devait apparaître sous la forme des six couleurs de l'arc-en-ciel reprises dans la boucle interne (Scoutisme /Cancer /Tao ) ; mais (pour une raison oubliée), cette mise en couleurs fut repoussée à plus tard. | |
Quand le temps en fut venu, apparut un obstacle imprévu : à Raiatea, les tatoueurs n'utilisent que l'encre noire ; il fallut donc remplacer les couleurs par un dessin ; après quelques recherches, j'optai pour un lambda dans un triangle noir (7) ; mais placer ce motif sur le bras aurait obligé à lui donner la taille d'un timbre-poste ; j'ai donc préféré le reporter sur le côté de la jambe droite, à un endroit où l'espace n'est pas limité (8). Ainsi, après bien des hésitations (ce tatouage est celui qui a donné lieu au plus grand nombre d'essais et a suivi le plus de fausses pistes), la réalisation aboutit à ce que l'on peut voir sur les trois photos. |
Autant la Triade celtique a connu des variations nombreuses et profondes, autant ce tatouage a peu évolué entre sa première ébauche et sa réalisation ; dès le départ, il était normal que la quarantaine d'années passée à enseigner soit présente, sous la forme de ma signature professionnelle (ξυλον, ξυλ ou ξ selon la place disponible), à tatouer sur la jambe gauche (puisque les deux bras commençaient à se remplir).
La seule hésitation a porté sur le détail du dessin ; l'idée originelle était d'inscrire le mot horizontalement, avec le ξ sur le mollet et le λ sur le tibia ; mais il y avait deux inconvénients : d'abord, faire tenir ces cinq lettres autour de la jambe nécessitait des caractères de taille réduite et, du coup, le ξ semblait soit mesquin soit disproportionné ; ensuite, l'expérience de la Triade celtique engageait à éviter les os (9).
Le motif se concentra donc sur le ξ, facile à créer à partir d'une police d'ordinateur ; c'est alors qu'apparut ce flash (aux deux sens du terme) bbb ; le dessin devenait alors aussi évident que le sens et le lieu.
Seule difficulté : la boucle inférieure du ξ, que la lettre grecque imprimée ne fournissait pas ; malgré tous les efforts, l'extrémité (qui, pour la signature, se continue dans le υ) en restait maladroite ; une hampe fut donc ajoutée au dernier moment pour lui permettre de se prolonger par un p puis un b dont la boucle entoure la malléole interne.
La cicatrisation fut assez longue (10).
Impossible d'ignorer la Guadeloupe, qui m'a hébergé près de douze ans (et où la plupart des tatouages ont été réalisés).
La place encore disponible sur les bras étant réservée, la jambe droite s'imposait ; restait à trouver le dessin.
La carte initiale rappelle que l'idée de départ était une cascade (l'île aux belles eaux ), traitée de façon réaliste (pour changer du tribal omniprésent jusque-là) ; mais une cascade réaliste sur le mollet, est-ce bien réaliste ?
Des recherches sur Internet menèrent à ce dessin aaa
deux aspects semblaient intéressants : le bandeau circulaire (qui pouvait se retrouver dans un bracelet de jambe) et le motif central (qui alliait le soleil, l'eau et la terre). L'idée fut reprise en modifiant les couleurs, pour aboutir à ce motif aaa
Pour le tour de jambe, on aurait pu recycler le motif prévu initialement pour le bracelet LGBT+ [placer le curseur de la souris sur l'image ci-dessous pour revoir ce motif], en adaptant les couleurs (25) ; mais l'image ci-dessous se présenta ; elle avait l'intérêt d'évoquer l'air, complétant ainsi les trois éléments du macaron.
À l'avant, sur le tibia ? l'épaule et la cheville suffisaient à mon endurcissement ; à l'arrière sur le mollet ? la confrontation avec le Xi de la jambe gauche tournerait au ridicule ; sur le côté (interne ou externe) ? on obtenait une cocarde sur une jarretelle. La meilleure solution était d'aplatir le macaron pour l'accorder avec le bracelet, tout en le dédoublant pour rétablir une symétrie propre à la jambe droite.
Le travail aboutit à ce motif aaa
et cette réalisation ddd
Le rang chronologique tardif de ce tatouage ne rend pas compte de son importance, conséquence de l'attachement à son île (où j'avais pu séjourner une semaine en 1995). Initialement, il était prévu de le faire réaliser sinon à Rapa Nui, du moins à Tahiti (ou, à défaut, à Santiago), après être retourné à Rano Raraku ; mais la perspective de ce voyage s'est peu à peu éloignée, et il a semblé plus sage de le faire réaliser au Gosier (à l'exception de l'il (27)).
Le projet de faire tatouer un moai est donc l'un des premiers arrêtés ; mais quid du lieu et du dessin ? l'idée première était une statue vue de face (avec son chignon et ses yeux), comme ici aaa
cependant, le moai est traditionnellement tourné vers ce qu'il protège (26) ; le respect de cette coutume demandait qu'il soit ici tatoué de profil ; seul l'extérieur de l'avant-bras gauche (11) pouvait alors convenir.
Restait à fixer la base du moai ; l'idée première était un motif de caractères rongo-rongo (12) faisant le tour du bras ; mais il était difficile de le faire passer entre les cicatrices sans trop décaler le moai vers le haut ; il fallut donc se limiter à un simple trait autour du poignet avec, sous le moai, quelques signes rongo-rongo ; on peut voir à gauche l'état que je pensais final et ci-dessous la signification (passablement personnelle) des cinq caractères choisis (13).
Dans le même temps, il parut convenable de transformer cette statue (abandonnée dans sa carrière) en moai vivant (27) ; la convergence des deux idées aboutit au projet affiché à gauche (la partie inférieure du tatouage, restée sans changement, n'est pas reproduite).
Le tatouage réalisé en avril fut donc complété à la mi-mai par le chignon et le fond bleu foncé, pour donner le résultat que l'on peut voir à droite.
NB- Ce nouvel état comble les lacunes mentionnées précédemment, mais laisse deux éléments en suspens :
• le chignon semble flotter au-dessus de la tête ; il serait souhaitable d'en reprendre la base pour améliorer l'effet ;
• dernière trace de l'idée originelle, l'il n'avait pas été dessiné, dans l'attente d'une rencontre avec le moai ; le face-à-face a maintenant eu lieu, mais (comme pour la Triade celtique) la mise à jour tarde ; un jour, peut-être.
Retour à la carte des tatouages
Particularité partagée avec ManoDayak : aucun des trois éléments de la genèse de ce tatouage n'était prévu dans le plan initial ; il est en quelque sorte le résultat d'un concours de circonstances (tenant ici d'une part au lieu et de l'autre au dessin ; le sens n'est venu que pour expliquer l'ensemble).
Au début de 2006, un peu comme pour Te Moko deux ans plus tôt, il me sembla évident d'avoir un tatouage sur la main gauche – qui serait le seul visible en tout temps ; l'idée de départ était un trident (dont les dents s'avanceraient sur les premières phalanges de l'index, du majeur et de l'annulaire) ; dans mon imaginaire, ce trident était le symbole du mouvement spartakiste, mais aucune recherche ne permit de le confirmer.
Or la même planche qui avait donné naissance à Te Moko comprenait aussi un oiseau qui me fascinait, mais n'avait trouvé sa place nulle part ; l'image avait donc été rangée avec d'autres coups de cur laissés pour compte.
C'est alors qu'il apparut que l'oiseau pouvait être placé avec la tête sur le majeur et le haut des ailes sur l'index et l'annulaire ; le lieu et le dessin s'accordaient maintenant, mais pour quel sens ?
En y regardant bien, deux parties de l'oiseau me plaisaient moins : le bec (évoquant un chapeau de clown) et la queue (en rupture de style) ; le Tagata Manu, l'homme-oiseau des Pascuans, et son dieu Maka-Make offraient une solution, aboutissant au dessin (14) {que l'on peut voir en plaçant le curseur de la souris sur l'oiseau à droite} (le tatouage devait bien sûr être entièrement noir ; les couleurs ne servent ici qu'à distinguer les trois sources du motif).
Mais le sens grinçait un peu : Rapa Nui était déjà présent dans le moai, et rien ne me reliait particulièrement à cet Homme-oiseau, d'autant que certains aspects en sont pour le moins déplaisants (évocation de sacrifices humains, arrière-plan politique (15)) ; il parut donc judicieux de transformer ce tagata manu en akau manu (18), l'arbre-oiseau ou l'oiseau-bois, complétant le duo humain-minéral du moai par une union entre l'animal et le végétal .
Il reste un point à évoquer : ce tatouage est le premier et le dernier à être « public », quasiment toujours visible ; ce trait unique ressortit sans doute à une dernière raison qui lui est propre ; il s'est aussi imposé comme la métaphore d'un coming out permanent, façon de dire : « Voyez que nous ne sommes pas totalement pareilles – ni meilleures ni pires, mais possiblement différentes.»
Retour à la carte des tatouages
Si le point de départ de ce tatouage est le même que pour Te Akau Manu, le lien entre dessin et sens a évolué de façon très différente et imprévue, au point que l'introduction rédigée quelques mois avant sa réalisation est devenue en bonne partie obsolète. Cependant, pour plus de clarté, ce texte initial a été conservé ci-dessous en gris.
NB- Au départ, le tatouage devait s'appeler Le Kanaga.
Comme le tatouage précédent, le Kanaga est né de la rencontre d'un dessin et d'un lieu.
• En effet, en novembre 2005, un pilier du quai de la gare de Chanteloup-les-Vignes présentait la peinture que l'on peut voir ici aaa
Le motif central (en jaune sur fond rouge) évoqua tout de suite de vieux souvenirs, et des recherches aboutirent à un masque utilisé par les Dogons, au Mali
[placer le curseur de la souris sur l'image à droite pour afficher le masque].
Mais l'idée que je m'en étais faite reposait sur un malentendu ; en effet, seule la partie inférieure représente un animal ; les plaquettes rectangulaires placées au-dessus ne sont qu'une sorte de panache ; pourtant, isolées du masque proprement dit, elles peuvent former la représentation stylisée d'un lézard ou bien (cum grano salis ) d'un homme.
• Restait à trouver un lieu. La question trouva sa réponse avec le moai, qui semblait appeler un complément pour occuper l'avant-bras gauche.
Ce qui précède rend compte des sens Ⓐ mentionnés dans le descriptif.
Mais l'année suivante, au Niger, je découvris qu'il s'agissait en fait (ou plutôt ? ou aussi ?) de la lettre Z de l'alphabet tifinagh, qui avait servi de symbole à la rébellion touareg de 1990-1995.
NB- Je ne connaissais cette lettre que sous la forme , utilisée par les Imajeren du sud du Niger.
Pour renforcer cette valeur Ⓑ et rééquilibrer le tatouage, un chèche, dans un style plus réaliste, vint s'ajouter au-dessus et autour du motif tribal. Le tatouage prit alors le nom de Mano Dayak, l'un des chefs de la lutte des Imajeren dans les années 1990, mort en 1995 dans un accident d'avion (son nom a été donné à l'aéroport d'Agadez, et un vingt-deuxième pendentif a été ajouté en sa mémoire à la série des « croix » d'Agadez, Iférouane, Bagazen, et autres hauts lieux).
Retour à la carte des tatouages
******************************************
Initialement, le neuvième et dernier tatouage devait être La Porte de Bali (puisque le dixième, mentionné comme Sahara , était déjà présent dans le Zakkat n'Bagezen et Mano Dayak) mais un vide subsistait entre les tatouages du bras gauche (20) .
Poupée baoulé ? poignard touareg ? tête de chien de brousse ? rien ne convainquait.
Or, au cours de mon dernier séjour au Niger, s'était imposé le sentiment de trois lieux essentiels, « nombrils du monde » (ομφαλος ou te pito o te fenua ) : Rapa Nui, l'Aïr et Delphes.
Puisque le bras gauche gardait l'empreinte (21) des deux premiers (le Moai et Te Akau Manu pour l'un, le Zakkat 'n Bagezen et ManoDayak pour l'autre), il convenait d'y adjoindre le troisième – et particulièrement le temple d'Apollon Pythien. Des essais avec les lettres Δ (pour Delphes), Α (pour Apollon) et Π (pour Pythien) n'aboutirent nulle part. La meilleure solution parut venir du personnage de Pytho (24) : un serpent s'insérait parfaitement dans le V et, de plus, permettrait de relier le groupe main-avant-bras à l'épaule.
Mais ce qui devait être le dernier tatouage de Guadeloupe aura été en fait le premier de Polynésie, le calendrier n'ayant pas permis de fixer un rendez-vous avant mon départ du Gosier.
En changeant d'île (ainsi que d'océan, de continent et même d'hémisphère), la bête a pris de l'épaisseur et du poids, pour occuper plus de place que ce qui était initialement envisagé
Ce tatouage (le premier pour lequel je n'ai pas fourni de dessin précis) s'est fait en deux fois : d'abord l'encre noire pure puis l'encre diluée.
Du fait de sa durée comme de la surface et des zones concernées, sa réalisation laisse un souvenir assez rude.
Retour à la carte des tatouages
Une procrastination maladive a fait de ce tatouage un ouvrier de la onzième heure. Pourtant, son principe figurait déjà dans le plan initial et ses composants remontent à un (court) séjour à Bali en 1994 :
Le reflet dans l'eau, quant à lui, est évidemment un pur produit de l'imagination, hommage du classique au baroque.
___Si le principe de ce tatouage n'a pas posé de question, le choix du lieu a fait repousser sa réalisation en fin course : la logique demandait une porte verticale avec un reflet horizontal – ce qui n'est possible qu'entre la face du tibia et le dessus du pied (mais l'affleurement des os rend l'endroit particulièrement sensible) ou bien entre le bras et l'avant-bras à l'intérieur du coude ; une fois le Python et Te Aito Iti réalisés, seule restait envisageable la jointure du bras droit, malgré une cicatrice. Mais c'est alors que j'ai quitté Tahiti pour Raiatea ; le déménagement, les aménagements, la rareté des tatoueurs sur l'île firent remettre le projet de mois en mois puis d'année en année, jusqu'au retour des activités après la fin du confinement, accompagné du sentiment que c'était maintenant ou jamais . Malgré les douze ans d'interruption, la cicatrisation se fit normalement.
Pour boucler la boucle, ce dernier tatouage ramène à la source puisqu'il contient le nom de mes parents. Pourtant, cet in memoriam n'est apparu que sur le tard, presque par accident.
Au départ était l'idée purement formelle d'un ambigramme (31) ; comme une page [⇒] de mon autre site est consacrée à ce sujet, on se limitera ici à une définition très partielle, centrée sur ce cas précis : il s'agit d'un dessin dans lequel on peut lire deux mots différents selon qu'on le regarde à l'endroit ou retourné de 180 degrés ; au-delà du simple jeu de lettres (comme avec un palindrome), je trouvais intéressant de pouvoir ainsi créer un lien entre deux mots. La première étape était de trouver les deux mots ; il faut bien sûr qu'ils se prêtent à l'exercice, le premier critère étant la longueur ; après, puisqu'on joue sur le dessin, on dispose de plus de liberté que dans le cas d'un palindrome ou même d'une anagramme. Mais divers essais en français, en latin, en polynésien n'aboutirent pas. C'est alors que j'envisageai le nom de mes parents : le prénom de mon père comporte cinq lettres et son nom, quatre ; le prénom de ma mère a dix lettres et son nom, sept ; un ambigramme était donc envisageable entre le prénom de ma mère et le nom+prénom de mon père, d'autant plus que le début paraissait particulièrement favorable : la première lettre du prénom paternel (a) est le retournement naturel de la dernière du prénom maternel (e) ; la deuxième lettre du prénom paternel est le retournement naturel de l'avant-dernière du prénom maternel (N, réversible). Seconde étape : trouver la graphie permettant la double lecture de l'ensemble ; une police de fantaisie et quelques à-peu-près ont permis d'arriver à un résultat paraissant acceptable. Restait à fixer le lieu ; il était bien sûr essentiel que le tatouage puisse être regardé sous deux angles opposés, mais aussi qu'il ait une taille minimale ; le mollet droit s'imposait. Comme pour la jambe gauche, les lendemains furent un peu plus piquants que la moyenne, mais sans excès. |
D'où le triangle noir (que le IIIème Reich décernait aux lesbiennes comme aux tziganes, aux handicapés mentaux, aux prostituées – en résumé, à celles et ceux qui ne satisfaisaient pas aux critères de la norme nazie) et le lambda (vieux signe de ralliement des homosexuels). Plus d'informations sur ces symboles dans cette page [⇒] de Wikipédia .
Le terme de sens a cependant été conservé dans les descriptifs et dans divers textes pour limiter les réécritures.