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À propos des séries HIStory et des BL
Cette page propose la traduction de deux articles publiés par KearaMH sur le site de MyDramaList [⇒]
Les deux articles réagissent à une suite de six mini-séries ou séries regroupées sous le nom de HIStory (1) mais totalement indépendantes (aussi bien pour l'histoire que pour les acteurs) ; l'ensemble appartient au genre couramment désigné par les initiales BL (= boys' love ), dont le ressort principal est la relation amoureuse entre deux jeunes hommes.
Les analyses présentées par KearaMH (et complétées par quelques extraits de commentaires) sont assez éclairantes pour qu'il ait paru opportun d'en donner ici une version en français.
NB- Le texte original ne comprend pas de notes ; celles qui apparaissent ci-dessous sont des ajouts personnels.
La traduction et les notes sont suivies d'une annexe où j'ai ébauché le même type de réflexion sur quelques séries diffusées ultérieurement.
Les mises à jour
Le propos même de KearaMH (disséquer les six séries déjà diffusées sur un ensemble prévu de sept, porté ultérieurement à huit) appelait un complément à rallonge ; de plus, les aléas de la production des séries rendent très fragiles les pronostics ; des mises à jour étaient donc inéluctables.
Mais il est apparu que « faire du passé table rase » en supprimant ou modifiant ce que le temps avait rendu caduc entraînait des incohérences ou obligeait à des redites ; pour éviter toute confusion, les passages obsolètes ont été conservés mais apparaissent en gris foncé, suivis d'une note rectificative en jaune.
NB- Ces mises à jour ne portent que sur les notes et l'annexe : la traduction des deux articles et des extraits de commentaires publiés dans MDL reste inchangée.
NB spécial - en ce début de 2024, le compte que KearaMH a ouvert il y a une dizaine d'années sur MDL existe toujours, et les liens fournis plus haut restent valides ; cependant, le pseudonyme de KearaMH a été changé en nevermind, et, dans le profil, sa détentrice se présente comme retired (« retraitée »). Ci-dessus comme ci-dessous, j'ai conservé le nom de KearaMH.
Disséquer HIStory : 1ère partie
| | par KearaMH - 15 juillet 2019
Ci-dessous, spoilers (2) importants sur HIStory: My Hero, Stay Away from Me et Obsessed. Je ne préviendrai pas du détail des spoilers. Il y a aussi une discussion à propos du harcèlement sexuel. Agissez en connaissance de cause.
S'il y a une chose avec laquelle les médias ont du mal, et je veux dire dans le monde en général, c'est la représentation (3) des LGBT+. Dans toutes les années de ma pratique des médias asiatiques, j'ai trouvé que, recherche après recherche, il n'y a que peu de pays d'Asie capables d'approfondir la représentation des LGBT+ d'une façon sensée. Leur manière la plus habituelle passe par les séries de « BL » ou « amour de garçons ». Elles sont très populaires, avec des productions comme Sotus et Make It Right qui sont les références du genre. Pourtant, il y a une troisième franchise que je voudrais ajouter à la liste : HIStory (4). HIStory est une série qui sort depuis 2017 et se spécialise dans le récit d'histoires d'amour gay au format de poche. Dans l'ordre, ce sont My Hero, Stay Away from Me, Obsessed, Right or Wrong, Boundary Crossing, Trapped et le futur Make Our Days Count. Ces histoires varient largement en qualité, en réalisme et même en violence (car oui, certaines d'entre elles véhiculent des stéréotypes nocifs et oui, nous en reparlerons). Alors, et si nous discutions de la franchise HIStory et de toutes ses évidentes, effrayantes et horribles erreurs ? Avant de commencer, cependant, il y a deux ou trois choses que je veux aborder tout-de-suite. D'abord, je ne suis pas un MLM (5), je ne peux donc pas dire ce que les productions comme HIStory me font ressentir de ce point de vue. D'un autre côté, je suis une femme queer ; je pense donc avoir le droit de discuter certains des stéréotypes malfaisants associés à cette communauté. Deuxièmement, je pense qu'il y a des façons de causer du tort à cette représentation ; il y a une nette différence entre la description naturelle de personnages LGBT+ et une fétichisation écrasante. Pour terminer, je suis plus qu'heureuse de discuter de tout ce que j'écris ici avec quiconque souhaite dialoguer. Je crois que la porte devrait toujours être ouverte à la discussion quand on parle de sujets comme celui-ci. Avec en main ma tasse de café à la licorne arc-en-ciel, discutons de HIStory. Attachez vos ceintures parce qu'une partie du chemin est… rocailleuse. Dire que la saison 1, composée de Stay Away from Me, Obsessed et My Hero est rude serait une litote prêtant à sourire. Il y a un bataillon de questions épineuses se répandant par ici, auxquelles il faudrait répondre, selon moi. Assez bizarrement, parmi les analyses de MDL (6) ou les commentaires de YouTube que j'ai lus, aucun ne paraît détecter de problème. Pourtant, je vais m'exprimer ici sur chaque erreur de parcours de cette première saison. Bien. Commençons par My Hero, qui est de loin la meilleure partie de HIStory-saison 1. Cela raconte l'histoire d'une femme nommée Lan Xi qui meurt et prend possession du corps d'un homme, Si Ren, pour continuer d'être avec son fiancé, Ying Xiong. En abordant la série, j'étais persuadée que My Hero ferait ce que font les travestis (7). Voici, grosso modo, comment cela fonctionne (comme dans Coffee Prince) : - Mme Dame doit s'habiller en homme pour telle ou telle raison et est comme aimantée par le terriblement attirant M. Sieur.
- M. Sieur se trouve lui-même attiré par Mme Dame, mais ne se rend pas compte qu'elle est Elle ; il cède donc à la Panique Gay™ (8).
- M. Sieur dit : « Au diable avec ça » et déclare son amour à Mme Dame, pensant qu'elle est Il. Un baiser de triomphe prend place ici.
- Mme Dame révèle (ou il s'avère d'une autre façon) qu'elle est Elle, et M. Sieur est déconcerté pour quelques épisodes.
- M. Sieur continue d'aimer Mme Dame et ils partent ensemble ; M. Sieur cache sous le tapis l'épisode où il pensait être gay et toute cette découverte de lui-même est oubliée, le laissant persuadé d'être en fait toujours resté hétérosexuel au fond de lui-même.
- Fin heureuse, sans séquelles ni trouble de conscience.
Je dois dire que cette formule de détournement de genre peut être quelque peu frustrante parce que tout ce que M. Sieur a découvert sur lui-même se trouve réduit à néant. Ici, les choses sont un peu différentes. À présent, Mme Dame est vraiment un homme, et M. Sieur ne découvre jamais que ce corps est occupé par l'esprit d'une femme. Si Ren, avant la prise de possession, aimait déjà Ying Xiong ; il est donc gagnant. Lan Xi retrouve les baisers et l'intimité de Ying Xiong, elle est donc gagnante. Ying Xiong finit par en apprendre beaucoup sur lui-même et se retrouve avec un gentil petit ami, il est donc gagnant. Ce que Ying Xiong apprend sur lui-même n'est pas rendu caduc, parce que ce qui le fait déclarer son amour à Si Ren n'est pas dû à Lan Xi mais vient plutôt de ce que Si Ren avait fait avant que Lan Xi ne prenne possession de son corps. Globalement, ce drame est juste moyen, mais comparé au reste de la saison 1, ça passe. Il y a quelques stéréotypes, mais rien de trop grave. J'en tire un bilan positif, et je suis heureuse qu'il y ait quelque chose de bon dans le vrai feu de poubelles qu'est HIStory 1. Et maintenant, voici Stay Away from Me, le cadet embarrassant de la saison 1. SAfM a des problèmes particuliers, à commencer par la présence d'un personnage nommé Meng Meng. Meng Meng est le modèle de la fujoshi , qui (si vous ne le savez pas) est une femme absolument fan des relations gays. C'est là que se situe une bonne part des problèmes que j'ai avec cette série. Meng Meng est la meilleure amie du personnage principal, Feng He. Feng He se trouve par ailleurs être le demi-frère d'une célébrité du nom de Cheng Qing. Meng Meng, sans que personne lui demande rien, décide que Feng He et Cheng Qing formeraient un beau couple et demande s'ils ont déjà couché ensemble. Plus tard dans le film, Meng Meng demande même quel genre de top (9) est Cheng Qing. Et tout cela est censé être amusant. Maintenant, vous pourriez penser : « Mais c'est juste un personnage dans un film ! Personne n'agit ainsi dans la vie réelle ! C'est juste une plaisanterie innocente ! » Non. Non, ce n'est pas que cela. Regardez cette page de Twitter faite par un cosplayer (10) gay, dans laquelle il parle de personnes réelles, vivantes , qui sont vraiment venues le voir pour lui dire exactement les mêmes choses que Meng Meng dit dans Stay Away from Me. Je pense aussi que le fait qu'il parle de dessins animés n'enlève rien à la justesse de ses arguments, qui s'appliquent aussi bien à notre propos. Je suis aussi tout-à-fait d'accord avec son dernier tweet et ce qu'il dit à propos de représentation.
Nipah Anim Expo Tous les BL qui perpétuent les stéréotypes de l'uke et du seme (11), je les hais. Lol. Toutes les fois où ma relation a été romantisée comme « un yaoi de la vie réelle » dans le passé, avec soit moi soit Andrew étiquetés comme Uke/Seme par quelque fushoji. Je déteste la plupart des yaois. | Nipah Anim Expo Ma relation n'est pas un objet sur lequel fantasmer, et c'est insupportable quand des gens le font. C'est pourquoi je ne mets plus rien en ligne à propos de ma relation, ces dernières années, en dehors d'événements importants. Je suis fatigué d'être comparé à une histoire de yaoi. Je déteste le genre qui en résulte. | Nipah Anim Expo Est-ce que je désire un dessin animé présentant une relation gay lavée des archétypes des productions précédentes ? Bien sûr, j'aimerais voir une représentation positive dans ce genre de média. Mais vous savez ce qui arrive habituellement ? Les stéréotypes Uke/Seme, le viol et les relations sous la contrainte, glorifiées comme de l'« amour ». |
Ou qu'en est-il de cet utilisateur de Twitter qui décrit une fille semblable à Meng Meng qui l'a vraiment gêné par son insistance :
Ender […] je suis harcelé au lycée par cette fille qui sait que je suis gay. Elle me fétichise. Cette saleté m'arrive aussi bien qu'aux autres gays ET aux lesbiennes. Ele n'arrête pas de me flanquer sous les yeux son téléphone avec des images porno gay, en me disant de les « évaluer ». Ce | Ender N'est pas juste de la mignonne merde de bisounours (12), c'est insupportable, et ça vous fait savoir qu'ils vous voient comme un objet, pas une personne. Vous pouvez fétichiser les gays tant que vous voulez, pareil avec les lesbiennes, mais GARDEZ.ÇA.DANS.VOTRE.CHAMBRE. Il y a un problème quand vous pourrissez la vie de LGBT réels, vivants, | Ender parce que vous vous sentez excités par eux. Nous n'y voyons pas une marque d'intérêt, nous n'y voyons pas un soutien, nous y voyons du harcèlement sexuel. Et c'est du harcèlement sexuel si vous importunez sans arrêt les personnes gays parce que vous fantasmez sur le yaoi, le yuri ou n'importe quoi. C'est infect. |
De toute évidence, certaines personnes agissent comme Meng Meng dans la vie réelle et, à lire Nipah et Ender, c'est très problématique. J'espère que vous comprenez maintenant pourquoi la présence et l'apparente approbation du comportement nuisible de Meng Meng m'ont passablement choquée. Je pense que ne pas dénoncer le comportement nocif de personnages comme Meng Meng conduit à encourager des comportements qui blessent des personnes réelles. Ce problème apparaît précisément dans les commentaires, où de nombreuses intervenantes trouvent le comportement de Meng Meng charmant, gentil ou semblable à leur propre attitude.
Meng Meng est mon animal totem. | Meng Meng et moi ne faisons qu'une. | J'adore la façon de penser de Meng Meng. | Fu Meng Meng est exactement moi dans la vie de tous les jours. | J'aime Meng Meng, c'est tellement moiiiii |
Et croyez-moi, je ne suis pas en train de dire une seule seconde qu'il y a quelque chose de mal à aimer les séries et les films qui présentent des histoires d'amour gay. Ce que je dis, c'est que la transformation en objet et en fétiche qui se produit dans le spectacle se reproduit dans les commentaires et dans la vie réelle et qu'en n'ayant mis dans le film aucun commentaire raisonnable sur ce point, l'auteure encourage dans les faits un tel comportement. Aimez ce que vous aimez, ressentez ce que vous ressentez mais dès que cela commence à blesser autrui, ça ne va plus. Rien dans les aspects gênants de Stay Away from Me ne peut cependant rivaliser avec la troisième partie de la saison 1 de HIStory : Obsessed. Beaucoup de gens l'apprécient. Moi-même, j'aime certainement un bon et cordial baiser (ou deux) dans un spectacle télévisé ou un film, et cette série en est remplie. Pourtant, il y a une différence fondamentale entre les scènes les plus chaudes de cette série et celles, disons, de Right or Wrong. Obsessed présente de l'agression sexuelle. Il y a de multiples agressions sexuelles qui ne sont jamais jugées et aboutissent en fin de compte à une relation romantique. Jin Teng, un homme connu comme menteur et peu sympathique, agresse à plusieurs reprises Yi Chen, un homme qui essaie visiblement de lui échapper. Ces attaques sont brutales, laissant souvent Yi Chen visiblement marqué. Il pleure à de nombreuses reprises dans la série, et la plupart de ces larmes sont dues à l'homme que nous, en tant que spectateurs, sommes supposés lui souhaiter comme partenaire. Regardez seulement Yi Chen (13). Dans le présent épisode, il essaie d'attirer l'attention de qui pourra lui venir en aide et il tremble visiblement pendant toute la scène. Dans la seconde photo, ce poing levé montre qu'il essaie de se défaire de Jin Teng. Dites-moi si c'est le visage de quelqu'un de consentant. Et je veux dire ceci : il y a des mouvements de possession et de prédation dans tous les types de sexualité et de genres, y compris chez les hommes gays. Ils existent, mais ne sont certainement pas la règle ni même la majorité. Je dois m'insurger quand la présentation de ces personnages renforce les stéréotypes nuisibles et ne prend pas en compte le fait qu'il y a quelque chose de sérieusement mauvais dans ce type de comportement. L'agression ne saurait jamais être un moyen de parvenir à ses fins, et pourtant ce n'est jamais remis en cause dans Obsessed, quand on voit comment Yi Chen se soumet à son agresseur et comment tout se termine allègrement. S'il y avait quelque forme de discussion raisonnable sur le comportement abusif de Jin Teng ou si Yi Chen faisait en sorte de se tenir à l'écart de Jin Teng, alors, je pense que la série aurait été beaucoup plus satisfaisante et plus digne d'intérêt. Les histoires concernant les abus doivent être racontées, mais cette histoire-ci ne dit en vérité rien sur l'abus. Il est juste là, et traité comme s'il faisait partie du « jeu amoureux ». Pour moi, une grande part du problème vient de ce que tant et tant de commentateurs trouvent ces agressions excitantes et chouettes. Jin Teng emploie la culpabilisation, les menaces et la violence pour « conquérir » Yi Chen, et même une fois qu'ils sont ensemble, ce déséquilibre des forces reste évident. Ce n'est pas joli. Honnêtement, c'est plutôt inquiétant. Je ne peux m'empêcher de m'imaginer à la place de Yi Chen, et tout ce que je peux imaginer, c'est de la peur. Voilà. Il y avait beaucoup à dire, et cela semblait très critique, principalement parce que ça l'était. Je crois que la représentation LGBT+ est très importante, mais qu'elle ne doit pas reposer sur des stéréotypes. Le point crucial de la représentation gay n'est pas uniquement d'avoir des personnages gays, mais plutôt de montrer comment les personnes gays sont simplement… des personnes. J'ai les mêmes critères pour la présentation de relations hétérosexuelles et homosexuelles. Les gens qui trichent ou abusent des autres ne devraient pas être présentés comme des héros ou des partenaires idéaux. Les amis ou les gens sans lien particulier ne devraient pas faire des commentaires glauques ou poser des questions sur la nature et le déroulé de la relation. De telles questions ne devraient pas être considérées comme aimables ou sympathiques. Je crois qu'il faut bien traiter les gens, et pour l'essentiel de la saison 1, ils sont fort mal traités. Heureusement, les saisons 2 et 3 sont bien différentes, et dans le second et dernier article sur ces séries, je vais me lâcher en montrant comment HIStory 2 et 3 le font bien. |
Extrait des commentaires
anatanotameni […] J'ai lu et vu toutes sortes de BL, de mangas à thèmes yaoi, de drames et de manhwa, et je ne pense pas réellement que ce genre ait jamais représenté de vrais couples LGBT+. C'est vraiment très difficile de trouver un film, drame, manga, livre BL/yaoi connu qui présente des relations saines. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce genre s'adresse directement à des femmes, leur offrant un bouc émissaire pour leurs fantaisies intimes inavouables. Ces histoires sont remplies d'amour non demandé, impossible, plein de sexe, violent, possessif, et condamné par la société. Les séries Obsessed et Addicted sont fameuses et aimées par la plupart parce qu'elles dépeignent exactement cela. Toutes les formes d'actes commis par le seme sont justifiées par le fait qu'il est tombé fou amoureux de l'uke, et l'uke aime aussi toujours le seme, c'est pourquoi tout lui est pardonné. Dans le monde réel, ce type de relation est clairement inacceptable. |
KearaMH C'est exactement le problème : toute peinture d'un personnage gay est représentative d'une facette de l'image que les gens se font des gays, image réaliste ou non. De là, en fin de compte, même les histoires non réalistes sont une représentation, puisque cela s'imprimera dans l'esprit de quelqu'un comme une représentation de ce groupe. BL et yaoi sont destinés à 100 % à des femmes hétérosexuelles. Les grands médias asiatiques dépeignant des relations gays sont très rarement destinés à être vus par des hommes gays. C'est simplement la nature du genre. Néanmoins, les descriptions les plus diffusées de groupes minoritaires influent sur la façon dont les gens perçoivent ces groupes, indépendamment de l'audience visée ou des intentions du média. Même les archétypes du seme et de l'uke sont intrinsèquement nocifs. Quand on arrive à la perception par le public de la communauté LGBT+, les intentions n'ont plus d'importance. Ce qui compte, c'est l'impact réel du média. […] |
Disséquer HIStory : 2ème partie
| | par KearaMH - 4 août 2019
Cet article contient des spoilers importants sur HIStory: Right or Wrong, Trapped, et Boundary Crossing. Il n'y aura pas d'alerte ultérieure pour les spoilers. Il y a aussi une discussion sur le harcèlement sexuel. Lisez en connaissance de cause.
J'ai écrit récemment un article appelé Disséquer HIStory : 1ère partie, dans lequel je parlais en détail de la première saison de la série du BL taïwanais HIStory. Si vous avez manqué ce texte, je vous conseille de retourner le lire, puisque les opinions qui y sont exprimées fournissent une partie importante du contexte de ce dont il sera question ici. Je pense que la saison 1 de HIStory est très critiquable mais ce que la saison 1 a fait en sombrant dans un gouffre, les saisons 2 et 3 le font avec éloquence et efficacité. Elles ne sont pas parfaites, mais elles représentent un net progrès par rapport à la première saison et constituent de bons spectacles. Alors, qu'est-ce qui fait exactement d'elles de bonnes romances et de bonnes représentation des gays ? Parlons-en. Je commencerai avec Right or Wrong, le début de la renaissance d'HIStory (autrement dit, quand la franchise a cessé d'être un feu de poubelle). Cette série traite vraiment bien de l'écart d'âge. Elle discute de la paternité célibataire. Elle a un très bon message quant à l'égoïsme parental. Elle ouvre la porte à la discussion sur les relations professeur-élève. C'est plus qu'une histoire d'amour, et c'est assez impressionnant quand on regarde ce à quoi tend le BL banal. Ma plus grande critique portera probablement sur le fait que l'acteur qui joue Fei Sheng Zhe semble sourire quand il pleure, et ça ne sonne pas juste. Également, le fait que Sheng Zhe passe directement du rejet scolaire à la prostitution semble un peu… beaucoup. Il y a aussi quelques fois où les acteurs heurtent leur micro-cravate sous leur chemise et les gens de la production ne se donnent pas la peine d'adapter le niveau sonore ou de retourner la scène. Des trois séries dont je parlerai aujourd'hui, Right or Wrong est certainement la moins élaborée. Pourtant, le film est très bon. Right or Wrong est entièrement centré sur Shi Yi Jie, un professeur de lycée, père divorcé et évanescent d'une petite fille appelée Yo Yo, et comment il apprend à être un meilleur père grâce à Fei Sheng Zhe, l'étudiant qu'il embauche pour s'occuper de Yo Yo. Lui et l'étudiant tombent amoureux l'un de l'autre, parce que, bien sûr, ça leur arrive comme ça. Cette entrée en matière a déclenché des sonnettes d'alarme au moment où j'en ai pris connaissance. De nombreux exemples de professeurs tirant avantage de leur âge, aux États-Unis, viennent à l'esprit. Dans la relation entre Yi Jie et Sheng Zhe, Yi Jie dispose de beaucoup de pouvoir ; il est plus âgé, il a plus d'argent et est le professeur de Sheng Zhe. Malgré cela, Yi Jie traite Sheng Zhe loyalement. Yi Jie ne passe pas par-dessus la tête de Sheng Zhe et le traite (le plus souvent ; rien n'est parfait) comme il traiterait quelqu'un de son âge ou de sa condition sociale. Yi Jie le paye pour s'occuper de Yo Yo et pour tout le bric-à-brac qu'il lui fait faire plutôt que de juste tout en attendre parce que Sheng Zhe est plus jeune. Il y a quelques anicroches ici et là, mais c'est sans gravité, à mon avis. Les freins et contrepoids sont tous au rendez-vous. C'est vrai que Yi Jie peut être parfois un peu arrogant, mais je n'en fais pas un drame parce que Sheng Zhe ne paraît pas en souffrir. C'est différent de – disons – Obsessed, où l'« arrogant » laisse visiblement l'intérêt de son « amour » l'emporter à chaque rencontre. Également, la façon dont le film traite le rôle des parents n'est pas ce que j'ai vu de plus nuancé, mais c'est fait de manière correcte. Puisque la plupart des séries de BL que j'ai vues ou dont j'ai entendu parler ne traitent pas d'adultes plus âgés, les jeunes enfants ne font généralement pas partie de la troupe. Ce film a une occasion rare d'inclure un père devenant moins terrible, dans le cheminement de Yi Jie. Il voit en Sheng Zhe ce qu'il ne peut pas ou ne sait pas offrir à sa fille. Il apprend à devenir moins égoïste et à moins sacrifier aux voyages qu'il pourrait faire comme archéologue, pour se consacrer à ce qu'il peut faire chez lui pour améliorer la vie de sa fille et, plus tard, de Sheng Zhe. Égoïsme et parenté ne sont pas des sujets souvent abordés dans les BL ; je dois donc tirer mon chapeau à cette série pour avoir abordé ces thèmes, même si c'était un peu rude sur les bords. Il y a aussi le thème de la parenté gay. L'une des plus grandes craintes de Sheng Zhe est d'avoir une mauvaise influence sur Yo Yo parce qu'il est gay. Yi Jie le rassure vite : Yo Yo voit en lui la meilleure chose depuis le pain en tranches. Je suis contente que cela ait été inclus, voyant à quel point l'idée que « les gays lavent le cerveau de nos enfants » est encore largement répandue. Les gays ne voient pas la fin des gens se demandant s'ils peuvent ou non élever un enfant. Voir une série relativement populaire remettre en question cette idée est encourageant. Right or Wrong n'est certainement pas la première à le faire, mais elle le fait d'une façon si émouvante, si sympathique, que je me suis sentie obligée de le relever. Je pense aussi que la meilleure amie de Sheng Zhe, Ye Wen Ling, mérite un coup de projecteur. Elle me donne l'espoir que les gens puissent comprendre que vous n'avez pas à surréagir juste parce que votre ami est gay (prends-en de la graine, Meng Meng). Elle le taquine, oui, mais c'est dans la bonne humeur, tout comme je pourrais faire avec mes amies et mes amies avec moi. Quand les choses se gâtent, elle montre clairement qu'elle prend soin de Sheng Zhe et s'assure que, s'il a besoin de quelque chose, il sait qu'il peut compter sur elle. En conclusion, Right or Wrong n'est pas le sommet de la renaissance de HIStory, mais la série est agréable à regarder et vaut la peine qu'on en parle.
Au tour de Boundary Crossing, qui a été ma première HIStory et ma première série taïwanaise. J'ai regardé ce film d'une seule traite. Je ne suis pas allée au lit avant quatre heures du matin cette nuit-là parce que je ne pouvais pas m'empêcher d'aller jusqu'au bout. Ce petit joyau raconte l'histoire de deux étudiants, Qiu Zi Xuan et Xia Yu Hao, qui deviennent amis par l'intermédiaire du volley-ball et finissent par tomber amoureux l'un de l'autre. Il y a aussi un couple secondaire composé de deux demi-frères. Je n'ai jamais été à l'aise avec ces histoires de demi-frères (et je ne le suis toujours pas), mais je pense que Boundary Crossing s'en tire mieux que Stay Away from Me, sans l'ombre d'un doute. J'adore ce film. Parmi les films que j'ai vus, c'est l'un des rares à reposer sur un couple gay qui paraît absolument naturel. C'est à propos de deux personnes qui tombent amoureuses, et voilà. Ce n'est pas parce que les personnes appartenant à la communauté LGBT+ sont brimées à travers le monde que toutes les histoires centrées sur un couple non hétérosexuel doivent sombrer dans le drame. Les films et les séries qui tournent autour de personnages LGBT+ ont la fâcheuse tendance de se terminer en tragédie ; Boundary Crossing est l'exemple lumineux de comment des couples gays peuvent aussi rencontrer un dénouement heureux. Je pense que c'est ainsi que les choses devraient être représentées. Montrez les difficultés d'être gay, mais montrez aussi qu'il n'y a pas que l'abomination de la désolation. Il y a un article écrit par Sam Ramsden qui, à mon avis, illustre très bien ce sentiment. Ramsden écrit : « Le problème est tout simplement qu'on ne produit pas assez d'histoires positives, ici. Beaucoup s'opposent à cette idée en rappelant que de nombreuses histoires d'amour hétérosexuel se terminent aussi tristement ou tragiquement – mais ce point de vue perd sa légitimité quand on considère toute la masse d'histoires d'amour hétérosexuel racontées dans des films, à comparer aux LGBT. La raison pour laquelle il est important d'assurer aux éléments positifs de la vie LGBT une prédominance dans les films est parce que l'insistance permanente sur le négatif ne fera que renforcer l'idée que les histoires LGBT sont en quelque sorte inférieures. » Les gays sont souvent stigmatisés comme de terribles prédateurs. La seule fois où ce comportement apparaît est quand Cheng En et Zi Xuan sont en train de mettre au point une scène pour Xiao Xiao, dans laquelle ils surjouent intentionnellement les (dangereux) archétypes « uke » et « seme » que l'on trouve généralement dans les yaoi. Ce moment met en lumière comment les films centrés sur des gays les caricaturent habituellement. Les « vrais » couples du film n'agissent pas de cette façon parce qu'elle ne reflète pas la réalité. Cheng En et Zi Xuan préparaient un spectacle. Ironiquement, cette scène est une bonne critique du comportement de Meng Meng dans Stay Away from Me, si vous sous souvenez de ses bouffonneries de fujoshi et de ma protestation répétée depuis le premier article. L'autre chose que j'apprécie réellement dans Boundary Crossing est qu'il n'est pas hyper-sexualisé. Oui, il y a ce baiser dans le vestiaire, mais c'est une séquence rêvée censée montrer Yu Hao pris de Panique Gay™ (comme Internet l'appelle affectueusement). Autrement, Zi Xuan et Yu Hao gagnent chacun le cœur de l'autre par la gentillesse et les attentions. Ce n'est pas tout le temps l'heure du sexe parce que ce n'est pas comme ça que les gens se comportent dans la réalité. Même le couple secondaire est aussi PG (14) que possible. Les activités des adultes ne sont pas sur leur agenda. L'auteur ne les force pas à être ce qu'ils ne sont pas. Maintenant, je mentirais si j'affirmais que le baiser du vestiaire n'est pas aussi du service pour les fans (15). C'est absolument le cas . Je le sais, vous le savez, tout le monde le sait. Je l'absous, cependant, parce qu'il est vraiment utile à la narration. Il contribue au développement du personnage de Yu Hao. Ce n'est pas seulement un baiser pour la religion du baiser. J'apprécie vraiment Boundary Crossing parce qu'il fait quelque chose d'un peu différent à partir de la formule habituelle des cœurs en émois de classes de Terminales ; il y a l'ajout de la découverte de soi, avec un regard sur la sexualité. Je pense que c'est assez spécial et je suis très, très impatiente du film de séquelle auquel Boundary Crossing aura droit. J'espère qu'il sera à la hauteur de l'original.
Enfin, nous avons Trapped. J'aime Boundary Crossing mais Trapped est la série que je préfère dans la franchise HIStory, et de loin. Il est tout en nuances, romantique, vraiment bien écrit, et agréable à regarder. Il n'est pas sans défauts, mais ses défauts ajoutent à son charme et ouvrent la porte à la discussion. J'aime Trapped pour bon nombre des raisons qui me font aimer Boundary Crossing, mais il ajoute aussi de nouveaux ingrédients. Trapped raconte l'histoire de l'officier de police Meng Shao Fei qui a une obsession : arrêter un chef de bande appelé Tang Yi. Après avoir été persuadé pendant quatre ans que Tang Yi était impliqué dans la mort de son mentor, Shao Fei découvre qu'il ne hait pas vraiment le gangster. Finalement, les deux hommes se rendent compte qu'ils se sont gravement trompés l'un sur l'autre, et ils tombent amoureux, formant une paire aussi magnifique qu'improbable. Pour moi, l'un des aspects les plus intéressants du film est la bisexualité de Tang Yi. À un moment du film, Tang Yi et Shao Fei aboutissent dans le même bar. Tang Yi est là pour se livrer à ses affaires de gangster, Shao Fei est là pour empêcher les affaires de gangster. Afin de se mettre un peu plus à l'aise, Shao Fei se met à danser avec sa coéquipière Yi Qi. Les deux constatent que Tang Yi est aussi en train de danser… avec un homme. Cette vision fait partir en vrille Shao Fei. C'est à ce moment que Yi Qi se fait l'écho d'une rumeur à propos de Tang Yi : il est attiré par les femmes et par les hommes. C'est très, très intéressant, à mes yeux. Certains (ou beaucoup) parmi vous sont peut-être familiers du film de comédie musicale RENT , qui a un personnage nommé Maurine (16). Maurine est connue pour trois choses : - Être jouée par Idina Menzel dans le film original.
- Chanter la chanson moo (17) .
- Être bi.
L'ennui, à propos de Maurine bisexuelle, c'est est qu'elle renforce l'un des stéréotypes les plus communs à propos de la bisexualité : la débauche. L'essayiste Lindsay Ellis résume au mieux le personnage, la décrivant comme « la Coucheuse de LaCoucheuse-Coucheville qui veut coucher avec chaque être humain, parce que bi » (extrait de cette vidéo (18)) Tang Yi n'est pas comme ça. Certes, il embrasse Andy dans le bar, mais ils ne sont pas en couple. Tang Yi le décrit plus tard comme un simple ami, et demande un baiser comme une « faveur ». Bien que Tang Yi essaie vivement de rendre Shao Fei jaloux (dans un premier temps), ce n'est pas un tricheur, comme l'est Maurine. Il est juste un gars qui aime les gars et les filles. Il ne présente aucun des stéréotypes négatifs associés aux bisexuelles. Les gens sont prêts à tout pour se retrouver avec lui, mais il n'est pas plus enclin à tricher que n'importe qui d'autre. Il est simplement… un gars. Avec de très belles pommettes. Et des vêtements de luxe. Et qu'en est-il de notre glorieux, gentillet et un peu stupide héros, Shao Fei ? Ici encore, tout comme pour Tang Yi, c'est juste un gars (qui semble être lui aussi bi) ; Shao Fei est juste un gars (qui tombe amoureux de Tang Yi). La sexualité de Shao Fei n'est jamais directement exposée, contrairement à Tang Yi. Il y a une plaisanterie anecdotique faite par Li An (19) au début du film, où il suggère que si Shao Fei poursuit aussi longtemps Tang Yi, c'est qu'il est attiré par lui. Mais jamais, après cette plaisanterie, il n'est clairement question de la sexualité de Shao Fei. Pas de grande révélation. Pas d'aveu à une amie proche, rien. Shao Fei n'est pas concerné par les composants de ses attirances au moment où le film se situe, et c'est très bien. Maintenant, j'ai indiqué au début que je parlerais de harcèlement sexuel. Allons-y ou rendez-vous plus loin. Dans l'épisode 14, Li Zhi De (20) conduit Tang Yi quelque part et Tang Yi a soif. Il jette un coup d'œil à son placard à Perrier (car bien sûr, il se devait d'avoir quelque chose dans ce genre), pour découvrir qu'il ne reste qu'une bouteille. Il la boit et, bien sûr, l'eau est droguée. Il comprend alors que quelque chose ne va pas et demande au conducteur de faire demi-tour, mais M. Li choisit au contraire de gagner du temps jusqu'à ce que Tang Yi perde connaissance. Alors, il se gare, se glisse sur le siège arrière et embrasse Tang Yi inconscient, avant d'enlever la chemise et la cravate de son patron. Ce dernier ouvre soudain les yeux et commence à le repousser, mais il ne dispose clairement pas de tous ses moyens et se débat pour repousser les avances agressives de son subordonné. Il y a quelques raisons importantes qui m'ont fait mentionner cette scène. D'abord, il y a un parallèle évident entre cette agression et celles de Jin Teng sur Yi Chen à son domicile, dans Obsessed. Il y a un rapport de force déséquilibré entre les deux parties. Il y a l'idée que la victime a le devoir d'accorder à son agresseur une attention sentimentale et sexuelle. Il y a des protestations d'amour déplacées. Heureusement, Trapped fait quelque chose que Obsessed ne fait pas du tout : Trapped présente cette action comme totalement mauvaise. Alors que le point d'orgue de Obsessed est une agression qui débouche sur une relation sentimentale, l'agression dans Trapped est une chose affreuse qui laisse tout le monde révolté. Non seulement cette séquence renforce le fait que la contrainte ne peut jamais être un moyen de parvenir à ses fins, mais elle montre aussi que n'importe qui, y compris un homme aux vêtements de luxe, un vrai gangster comme Tang Yi, peut devenir la victime. Pour finir, je parlerai rapidement de la façon dont Trapped se comporte vis-à-vis des archétypes de l'« uke » et du « seme ». J'ai dit que ces rôles, dans une fiction, sont « plutôt néfastes », mais j'ai voulu attendre d'avoir vu Trapped avant de me prononcer sur cette condamnation. Si vous n'êtes pas au courant, ces archétypes viennent du yaoi où, dans une relation gay, « uke » désigne le passif et « seme », l'actif. Il me semble que @desertgourd, sur Tumblr, en ont fait la meilleure analyse quand ils ont écrit, dans un billet de 2015 [⇒] que ce stéréotype « efface l'identité des personnes LGBTQ parce qu'elle réduit toute leur personnalité au masculin/plus-gros/actif et au féminin/plus-petit/passif, reproduisant l'idée commune hétérosexuelle dans laquelle l'homme, plus grand et masculin, protège la femme, plus petite et féminine, et étendant ce pouvoir (sexuel et autre) sur toute la relation. » Ce que fait Trapped, c'est de briser cet archétype en présentant Tang Yi et Xiao Fei alternativement dans une position de domination et de soumission. L'auteure a choisi de les montrer agissant et réagissant comme des gens réels plutôt que d'emprisonner ses personnages dans des stéréotypes. L'auteure aurait pu sans difficulté définir Tang Yi par sa seule masculinité, mais ce n'est pas ce qu'elle a choisi. L'auteure a choisi délibérément de nuancer ses personnages, ce que j'apprécie énormément. Oui, ce film est clairement destiné à des femmes, mais il sait offrir tous les frissons romantiques que ce public recherche dans ce genre tout en évitant les stéréotypes nocifs. J'aime ça. (21)
Nous voici donc arrivés. J'ai commenté toutes les séries de la franchise HIStory mises en ligne à l'heure actuelle. Les saisons 2 et 3 sont-elles parfaites ? Certainement pas. Mais ce serait une négligence de ma part si je ne mettais pas en lumière tout ce qui est apporté non seulement dans cette franchise mais aussi dans le BL en tant que genre. Certaines pourraient ne pas voir l'intérêt de parler de tout ça puisque le BL n'est pas censé être une source importante de représentation. Malheureusement, les intentions ne comptent guère dans le grand plan des choses. Même si les stéréotypes présentés dans ces productions ne sont pas destinés à nuire aux LGBT+, le fait est que plus vous voyez ces stéréotypes mis en œuvre, plus vous y croyez. C'est pourquoi je pense que des productions comme HIStory, qui ont de larges audiences, ne doivent pas encourager des stéréotypes nocifs qui mènent au harcèlement et aux préjugés dans la vie réelle. Si les auteures de ces films se soucient tant soit peu des LGBT+, alors leur devoir est de bien les traiter dans leurs fictions. Cela veut dire présenter les abus de telle façon qu'ils n'apparaissent pas comme glorieux. Cela veut dire ne pas renforcer l'archétype du « seme » et de l'« uke », puisqu'il efface l'identité des personnes réelles. Cela veut dire créer des personnages LGBT+ qui sont définis par ce qu'ils sont plutôt que par leur attirance sexuelle. Il y a encore du chemin à parcourir, mais je crois vraiment que Right or Wrong, Boundary Crossing et Trapped vont dans la bonne direction, et cela mérite d'être salué. En tant que queer, je peux assurément dire que je l'apprécie. Reste à souhaiter que Make Our Days Count suive la voie ouverte par les plus récents de ses prédécesseurs (22).
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~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Notes ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
(1) Chaque série est nommée officiellement
HIStory: suivi du titre anglais (il existe aussi des titres en taïwanais). À noter :
- les séries se regroupent en quatre saisons ;
- la division en épisodes varie selon les plateformes ; c'est pourquoi le tableau ci-dessous indique seulement la durée totale de chaque série ; et même celle-ci dépend des génériques ou des publicités ;
- la série Boundary Crossing est parfois appelée Crossing the Line, Crossing the Bound, Love Over the Line ou Yue Jie ; il s'agit en fait de variantes dérivées du titre chinois, , que Google traduit par Hors limites ;
- en gris, les séries qui ne sont pas commentées par KearaMH mais dont il est question dans l'annexe.
saison 1 | HIStory:My Hero | février 2017 | 1 h ¼ | . | Pour les trois premières productions, on peut parler à juste titre de mini-séries , puisque leur durée reste inférieure à celle d'un film courant. Par contre (sans rivaliser avec les trente-sept ou trente-huit heures de The Untamed ), chacune des quatre dernières représente quand même plus de cinq films de durée moyenne. NB- Les durées sont arrondies au quart d'heure ; elles peuvent d'ailleurs varier d'une plate-forme ou d'une mise en page à l'autre. |
HIStory:Stay Away from Me | février 2017 | 1 h ¼ |
HIStory:Obsessed | février 2017 | 1 h ¼ |
| Dark Blue & Moonlight | nov.-déc. 2017 | 6 h ¾ |
saison 2 | HIStory:Right or Wrong | février 2018 | 3 h |
HIStory:Boundary Crossing | mars 2018 | 3 h |
| Love by Chance | sept. à déc. 2018 | 12 h |
saison 3 | HIStory:Trapped | avril à juin 2019 | 7 h ¾ |
HIStory:Make Our Days Count | oct. à déc. 2019 | 8 h |
| TharnType | déc. 2019 à fév. 2020 | 12 h ¼ |
| Life Senjou no Bokura | juin-juillet 2020 | 1 h ¾ |
saison 4 | HIStory:Close To You | mars à mai 2021 | 8 h |
saison 5 | HIStory:Love in the Future | déc. 2022 à mars 2023 | 8 h ¼ |
(2) Malgré une tradition culturelle poussant à remplacer les termes de l'anglais par un équivalent francophone, le nom
spoiler a été conservé dans ce texte ; cette exception mérite d'être expliquée, d'autant plus qu'il s'agit quasiment d'un cas d'école. On sait que
spoiler (le verbe), c'est
donner des informations qui gâcheront le plaisir que l'auteure veut procurer en créant une surprise (souvent à la fin de son œuvre) ; pour dire la même chose de manière inverse, c'est
gâcher le plaisir que doit procurer une surprise en la révélant prématurément ; notons que ce phénomène réunit deux domaines différents : l'information (révéler) et la psychologie (gâcher un plaisir). L'action que désigne
spoiler n'a elle-même rien de nouveau : un Grec du VII
ème siècle avant notre ère dont le fils venait de se lancer dans la lecture de l'
Odyssée pouvait déjà
spoiler en lui révélant qu'Ulysse échapperait au chant des Sirènes en se faisant attacher à un mât de son navire ; mais comme il n'était à la portée que de rares lettré
es, ce comportement supportait sans peine l'anonymat ; c'est sans doute la vulgarisation permise par les romans-feuilletons, puis le cinéma et enfin les séries télévisées qui, en multipliant les occasions, a produit le besoin de lui donner un nom (ou, en l'occurrence, un verbe). Et là, il ne reste qu'à observer : les anglophones concerné
es d'une manière ou d'une autre par ce phénomène ont recouru au verbe
to spoil dont le sens premier est
gâcher – d'abord de la nourriture, puis un travail ou même un enfant en le
gâtant , enfin un plaisir ; sans doute leur est-il apparu que l'emploi du verbe sans complément (par exemple dans
Don't spoil ) suffisait à dissiper toute ambiguïté, et que l'on pouvait faire l'impasse sur l'idée d'information. Le verbe
to spoil a ensuite fourni deux noms dérivés :
spoiling (le fait de…) et
spoiler (l'information qui…).
Et en français ? Dans la pratique, les francophones ont pompé to spoil pour en faire je spoile, ne spoilez pas , etc. ; mais qu'en avaient pensé leurs têtes pensantes ? Les moteurs de recherche gardent la trace de deux propositions ; l'une venue du Canada, avec divulgâcher, mot-valise ingénieux, mais qui a les défauts de ses qualités :
- ses composants manquent d'homogénéité (divulg- est savant, gâcher , populaire ; divulg- se rapporte à l'information, gâcher , s'agissant de plaisir, à la psychologie) ;
- en anglais, on dit par exemple I won't spoil – trois syllabes ;
en face, peut-on raisonnablement prescrire Je ne veux pas divulgâcher – huit syllabes ?
L'autre prise de position vient de l'Académie française ; sans surprise, elle bannit le verbe spoiler ; que propose-t-elle alors pour remplacer to spoil ? En fait, rien, ou un peu de tout, puisque l'auteure de cet avis (paru en septembre 2014) demande de remplacer Ne spoilez pas par Ne gâchez pas le plaisir ! Ne me racontez rien !
et Ne spoilez pas le film par Ne dites pas la suite, le dénouement du film !
ainsi, pour remplacer un mot qui désigne une chose bien précise (ôter un effet de surprise en donnant prématurément une information), on se retouve face à trois expressions hétérogènes, gâcher n'ayant pas de rapport avec raconter ni le plaisir avec le dénouement du film .
- La première ne paraît pas vraiment naturelle (qui dirait : Arrêtez de gâcher le plaisir ? On trouvera plutôt Arrêtez de me gâcher le plaisir , ou Arrêtez de gâcher mon plaisir , ou même Arrêtez de me gâcher mon plaisir – à moins que ce ne soit notre plaisir ou alors leur plaisir ) ; et puis, il paraît peu satisfaisant de pouvoir employer la même expression pour les cris et les pleurs d'un bébé ou des maux d'estomac, qui, eux aussi, sont de nature à gâcher le plaisir (alors qu'on ne dira jamais à un enfant bruyant Arrête de spoiler ).
- La deuxième aboutit à un résultat cocasse quand on demande à quelqu'un de raconter l'histoire mais sans spoiler :
Racontez-moi l'histoire, mais ne me racontez rien . - Face au troisième exemple, comment ne pas évoquer ces exercices demandant aux élèves de collège de remplacer faire ou avoir ou dire par un verbe plus précis ? qui donc irait demander qu'on lui dise le dénouement ? La langue courante utiliserait dis-moi comment ça se finit , le langage soutenu : racontez-moi le dénouement .
À l'arrivée, les recommandations semblent illustrer la question récurrente : pourquoi faire simple et net quand on peut faire compliqué et confus ?
Ces exemples sont précédés par une analyse critique dont une phrase est proprement sidérante ; pour dénigrer le verbe spoiler , l'auteure de l'analyse écrit : La construction de cet anglicisme est mal définie en français, puisqu’on le rencontre employé absolument (Ne spoile pas), employé avec comme complément d’objet direct le nom de la personne à qui on raconte l’histoire (Il m’a spoilé) ou le nom de ce dont on parle (Il a spoilé le film).
Or la dernière édition du Dictionnaire de cette même Académie comprend (par exemple) le verbe CHANGER, pour lequel est mentionné un emploi absolu , c'est-à-dire intransitif (Son visage a beaucoup changé ), doublé d'un emploi semi-intransitif (Changer de vêtement ), en plus d'un emploi transitif où le complément d'objet désigne une personne (Changer un malade ) et d'un autre où le même complément désigne un objet lié à cette personne (Changer les vêtements d'un malade ) ; cependant, rien dans l'article ne donne à penser que le verbe CHANGER puisse souffrir d'une construction […] mal définie . Difficile d'imaginer que l'auteure de l'avis ignore les emplois du verbe CHANGER ; faut-il alors voir poindre le spectre de la mauvaise foi ?
Et nous n'avons pas encore abordé le nom spoiler, que l'avis de l'Académie passe sous silence (peut-être était-il peu ou pas utilisé, il y a plus de quinze ans) ; c'est aujourd'hui la forme la plus fréquente, notamment sur les forums où il a même été transformé en balise <spoiler>…</spoiler>, accompagnée de la mention Attention ! Spoiler ; devrait-on vraiment remplacer l'expression par Attention ! Information susceptible de vous gâcher le plaisir procuré par le coup de théâtre final ?
À titre purement personnel, j'aurais choisi Attention ! divulgue. – une divulgue, garde cette divulgue pour toi . Mais ce serait à mes risques et périls, et hors de propos quand il s'agit du texte d'autrui.
(3) Le terme de
représentation demande à être commenté.
- Au premier abord, il peut désigner deux choses différentes :
- la présence ou l'absence de personnage[s] homosexuel[s] dans une œuvre littéraire ou une production audio-visuelle (notion quantifiable : zéro pour Dom Juan , un dans Les Filles d'à-côté , de deux à quatre pour La Vie devant Nous , au moins huit dans Because of You ) ;
- dans les cas où la fiction comprend un ou plusieurs personnages homosexuels, l'image qu'elle en renvoie (seulement qualifiable : caricaturale dans La Cage aux Folles , réaliste dans Printemps au Parking , fantasmée dans Querelle de Brest ).
- Mais la distinction qui précède repose sur un postulat : tout personnage non visiblement homosexuel est réputé hétéro ; or que sait-on de la sexualité de Sganarelle ou de Don Carlos ? et qui peut dire avec qui mademoiselle Merlin ou Doudou partagent leur vie (ou leur lit) ?
- On voit donc que, dans la pratique, seule la seconde acception est pertinente ; et réclamer « plus de gays » ou « plus de femmes noires » ne fera guère avancer le schmilblick si c'est pour se retrouver avec des loosers suicidaires et camés ou des poupées jetables.
(4) Cet ensemble de séries se distingue aussi des deux citées précédemment par son origine : il s'agit de productions taïwanaises, alors que les autres viennent de Thaïlande.
On trouve aussi des BL japonais (retour aux sources), coréens, vietnamiens ou philippins ; pour la Chine continentale, la censure du gouvernement de Pékin ne laisse passer que des versions édulcorées en bromances, dont les aventures de Wei Wu Xiang et Lan Zhan, dans The Untamed , sont l'exemple le plus connu, rejoint maintenant par Word of Honor.
(5) Sans doute pour
Man Loving Men (= homme qui aime les hommes).
(6) MyDramaList, site consacré aux films et séries asiatiques, sur lequel les deux articles ont été publiés ; en plus des commentaires, les productions les plus importantes font l'objet d'analyses (
reviews ) rédigées par les abonné
es du site.
(7) KearaMH emploie l'expression
gender benders , mot-à-mot
les détourneurs de genre , c'est-à-dire des femmes se faisant passer (par les vêtements et le comportement) pour des hommes – ou vice-versa ; contrairement à ce que peut laisser penser le mot
gender , cela n'implique pas le sentiment d'appartenir à cet autre genre.
(8) L'expression
Gay Panic (le ™ est ici ironique) désigne l'état d'un homme hétérosexuel quand il se rend compte qu'un autre homme (ou une femme transgenre) le désire (il n'est pas question ici de viol ni même de harcèlement) ; aux États-Unis notamment, certaines lois font de cette
sidération une circonstance atténuante quand le
sidéré a tué
ou blessé celui (ou celle) qui l'a suscitée.
(9) L'article et les commentaires (ainsi que la note ci-après) expliquent l'archétype
uke /
seme , qui mêle pratique sexuelle et rôle social ; mais l'opposition
top /
bottom n'a pas cette polysémie ; le
top , c'est celui qui sodomise (l'actif) et le
bottom , le sodomisé (le passif). Quand Meng Meng parle de
definite top , elle demande donc si Cheng Qing est l'enculeur patenté.
So cute, miss! Quelle jeune
fan d'un couple hétérosexuel irait demander au mari s'il prend sa femme en levrette ou s'ils choisissent la position du missionnaire ?
(10) Encore un nom fuyant la traduction ; bien sûr, il s'agit de
déguisement (
cos pour costume) et de
joueur (
player ), mais ces deux mots ne rendent pas compte du caractère personnel pris par ce jeu et ce déguisement ; il ne s'agit pas de ce que cherchent les enfants en jouant à la marchande ou en s'achetant une panoplie de sapeur-pompier – imiter la
vraie vie ; c'est au contraire se transformer en personnage d'un monde imaginaire, dans la science-fiction, le manga, le dessin animé. La prochaine fois, peut-être, je tenterai
joueur adepte de déguisement fictionnel fait maison – sans oublier
gay , bien sûr.
(11) (11) Comme KearaMH l'indique plus bas dans l'analyse consacrée à
Trapped,
ces archétypes viennent du yaoi où, dans une relation gay, uke désigne le passif et seme , l'actif .
On peut ajouter que, dans le prolongement de ce que mentionne un peu plus tard le billet de @desertgourd, ce stéréotype déborde de la sphère sexuelle pour faire du seme le partenaire masculin/plus-fort/protecteur et de l'uke , le féminin/plus-faible/immature. L'étiquetage husband /wife se retrouve explicitement dans certaines séries, bouclant ainsi la boucle du navrant « qui fait l'homme et qui fait la femme ? ».
(12) de bisounours essaie de traduire
uwu – difficile à rendre puisqu'il s'agit de l'équivalent d'un émoticon représentant un visage
trop heureux et/ou
trop gentil .
(13) Cette fin de paragraphe commente deux photos reproduites vers le milieu de l'article original.
(14) Ces deux initiales doivent correspondre à
Parental Guidance qui signifie que le film ou le jeu, bien que destiné à tous les âges, peut comprendre des éléments laissés à l'appréciation des parents.
(15) C'est un autre aspect toxique, dans le prolongement des
fujoshis : un BL où les deux garçons ne s'embrassent pas aura droit à des commentaires dépités, voire courroucés ; pire encore, le
SAV-fans : les deux acteurs devront rejouer leur rôle encore et encore lors des tournées-spectacles, permettant à mademoiselle « Meng Meng c'est tellement moiiii » de voir (de loin) un baiser en chair et en salive ; et, pour boucler la boucle, une bonne partie des fans restera persuadée (ou voudra se persuader) que, dans la vie réelle, les deux garçons forment un
vrai couple – alors même que, dans la grande majorité des cas, lesdits acteurs sont hétérosexuels pur jus. Car c'est l'un des vertiges de l'affaire : les fantasmes des fans ont besoin de
personnages gays (c'est le godemichet des
fujoshis ), mais, en bonnes hétéros, il leur faut des
corps de
vrais mâles ; les directeurs de casting
refusent (*) donc le plus souvent de faire jouer ces rôles de gays à des gays parce que ceux-ci ne leur paraissent pas assez… hétéronormés.
(*) il semble que la situation devienne moins caricaturale ; alors que Newyear faisait figure d'exception dans I am your king, les rôles de Porsh Apiwat dans Together with me ou de Mew Suppasit et Earth Katsamonnat dans TharnType marquent une évolution ; si l'on quitte la Thaïlande pour les Philippines, les deux principaux interprètes de Lakan, John Kennedy Nakar et Paul Cervantes, ont fait de leur relation à la ville comme à l'écran leur carte de visite (Real Life Couple Actors of LAKAN Series ) ; et, pour revenir à la Thaïlande, NewYear a repris du service dans Top Secret Together, cette fois aux côtés de Both, son compagnon depuis plusieurs années.
(17) Peut-être s'agit-il de la chanson
Over the Moon .
(18) Pour voir cette vidéo, ouvrir la page originale de l'article
à cette adresse. [⇒], chercher l'expression
taken from this video here et cliquer sur
here.
(19) Li An est l'un des coéquipiers de Shao Fei, travaillant sous ses ordres ; l'article n'en fait pas mention mais le couple Tang Yi-Shao Fei a comme un écho dans la relation entre Jack (le principal homme de main de Tang Yi) et Li An ; écho un peu déformé parce que les forces sont moins équilibrées : c'est Jack qui veut Li An, et ce dernier ne peut guère que suivre le mouvement ; mais on reste loin d'
Obsessed d'abord parce que le rapport de force tient plus au caractère et à la situation sociale des deux hommes qu'à un rôle sexuel (jamais évoqué) ; ensuite parce que leur relation est conçue par les auteur
es comme devant apporter un contrepoint souriant aux tensions dans lesquelles se débattent leurs
chefs .
(20) Li Zhi De est l'autre principal homme de main de Yang Ti – d'où une rivalité avec Jack ; mais le choix des auteur
es est clair : Jack est le bon – amusant, sympathique et surtout loyal (professionnellement envers Tang Yi, sentimentalement envers Li An) ; Li Zhi De est le méchant – menteur, assassin, trahissant Tang Yi par dépit amoureux après l'avoir trahi par intérêt ; l'agression dans la voiture n'est que la cerise sur le gâteau.
(21) Dans son analyse, KearaMH ne parle pas de l'épilogue de
Trapped ; pourtant, précédemment, elle avait noté que «
Boundary Crossing est l'exemple lumineux de comment des couples gays peuvent aussi rencontrer un dénouement heureux. », et elle place
Trapped au-dessus de
Boundary Crossing ; mais sa fin est plus ambiguë (un commentaire posté sur
MDL parle de fin
amazing, bittersweet – étonnante et aigre-douce) ; il faut dire que la situation est aussi plus complexe que dans la série précédente : on n'a pas à faire à deux étudiants mais d'un côté à un policier dont le service vient d'être désorganisé par l'arrestation de son supérieur hiérarchique pour corruption, et de l'autre au chef d'un gang, certes en voie de réhabilitation et loin du criminel sanguinaire, mais dont les méthodes s'écartent parfois nettement du droit chemin de la légalité ; difficile, dans ces conditions, de terminer sur l'image de Shao Fei apportant ses chaussons à un Tang Yi de retour d'une expédition punitive ; même hors BL, une certaine bienséance morale veut sans doute que Tang Yi passe par la case
prison ; de ce point de vue, le parti pris par les auteur
es paraît honnête : Shao Fei accompagne Tang Yi jusqu'au perron de tribunal dans lequel Tang Yi va être jugé ; la morale est sauve ; après, on l'a déjà dit, Tang Yi n'est pas Pablo Escobar ou Al Capone ; avec l'aide de bons avocats (aussi stylés que ses costumes), il ne devrait pas croupir trop longtemps derrière les barreaux ; et, sans trop de naïveté, on peut imaginer que Meng Shao Fei viendra l'accueillir à sa sortie de prison comme il l'a accompagné jusqu'à l'entrée du tribunal. Pas exactement une fin heureuse donc (comme Yi Jie serrant Sheng Zhe dans ses bras, dans
Right or Wrong), mais une fin ouverte, et ouverte sur un espoir raisonnable.
NB- pour bien presser le citron, une suite a été donnée à la nouvelle dont est tiré Trapped ; cette suite (écrite par une autre auteure que la première) laisse Tang Yi quatre ans en prison ; information qui vaut ce qu'elle vaut.
(22) L'
annexe ci-dessous donne quelques indications sur ce qui est venu après
Trapped.
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Annexe : Et à part ça ?
Les deux articles ci-dessus sont les derniers que KearaMH a rédigés pour MDL ; par la suite, elle a écrit quelques présentations mais sans lien direct avec les BL ; en particulier, elle n'a rien publié à propos de Make Our Days Count (pas même un simple commentaire – du moins à ma connaissance). Il n'est donc pas possible de savoir ce qu'elle a (ou aurait) pensé de MODC comme des autres productions commentées plus bas, et il serait inconvenant de vouloir parler à sa place. Ce qui suit ne représente donc que ma vision de ces séries, mais au regard de la thématique mise en place dans ses articles.
q Make Our Days Count : le dernier (*) rejeton de HIStory a été mis en ligne d'octobre à décembre 2019.
(*) devenu l'avant-dernier (voir t plus bas) puis l'antépénultième (voir y encore plus bas).
Pour dire les choses en peu de mots : après Right or Wrong ou Trapped, c'est une déception teintée de rage qui l'emporte. Pour en expliquer les causes, il faut considérer avant tout le choix de l'épilogue – abondamment discuté dans les revues et commentaires sur MDL aussi bien que sur YouTube (où il fait l'objet de plusieurs vidéos dédiées). Bien sûr, commencer par la fin n'est pas la façon de faire la plus naturelle ; qui plus est, même après recherches et enquêtes, certains points restent incertains. Essayons quand même.
NB- Comme pour les autres séries, la division en épisodes varie d'une distribution à l'autre ; le commentaire ci-dessous se réfère à la version en dix épisodes (qui est celle de Rakuten Viki ).
Le sujet principal de MODC est la relation entre deux élèves d'une classe terminale de lycée : Xiang Hao Ting (interprété par Song Wei En (1)) et Yu Xi Gu (joué par Huang Chun Chih) ; on verra plus bas leurs traits respectifs, mais disons dès maintenant que tout les oppose – aux deux sens de l'expression : ils sont très différents et, au début de l'histoire, leurs sentiments réciproques oscillent entre l'antipathie et le mépris ; les sept premières heures de la série montrent donc comment ils passent de l'hostilité à l'amour partagé. Vers la fin de l'épisode 9, les deux garçons reçoivent leurs quatre copains attitrés (Sun Bo Xiang, John et deux frères (2)), façon de pendre la crémaillère de l'appartement où ils vivent désormais en couple. Quelques jours plus tard, on retrouve les deux futurs étudiants en pleins préparatifs du déjeuner auquel sont invités les parents de Hao Ting ; Yu Xi Gu s'aperçoit alors qu'il n'y a plus de sel, et il part en acheter ; peu après, son ami retrouve la salière et sort à son tour pour aller le prévenir ; l'image cadre le visage de Hao Ting, apparemment heureux d'apercevoir Yu Xi Gu au loin ; mais son visage change et semble se remplir d'inquiétude ; fin de l'épisode 9.
Si vous ne croyez pas que, dans un film, seuls le malheur, le chagrin et la souffrance méritent d'être montrés et vus, vous pouvez arrêter ici le visionnage de la série, et vous rendre à l'épilogue présenté plus bas dans la section Fin alternative.
Sinon, si vous ne crai[gnez] pas les peines cruelles :
Épisode 10 - première moitié : Hao Ting (qui porte maintenant des lunettes) vit à nouveau chez ses parents ; il parle avec sa mère de ses études et de son prochain départ pour une université états-unienne ; leur conversation fait supposer que plusieurs années ont passé depuis la fin de l'épisode 9. Un peu plus tard (3), il retrouve ses quatre amis de lycée dans un café pour un pot de l'amitié ; à ce point, (la scène se termine vers la dixième minute de l'épisode), on n'a vu nulle part Yu Xi Gu et personne n'a mentionné son nom ou fait allusion à son existence ; puis Hao Ting retourne dans sa chambre pour préparer ses bagages ; à la fin de son tri, il arrive à une boîte métallique, dont la vue semble l'émouvoir ; nous quittons Hao Ting au bord des larmes pour une séquence consacrée à l'homme avec qui Sun Bo Xiang vit en couple ; puis nous retrouvons Hao Ting dans la rue, se rendant dans un (autre) café ; à travers la vitre, il voit le garçon qui l'y attend (le même que celui de la note (3)) ; après un moment de trouble, Hao Ting entre et va s'asseoir en face de lui ; leur conversation nous apprend que le jeune homme est un junior , un lycéen dont Hao Ting est le tuteur , autrement dit un aîné (senior ) chargé de le conseiller et de l'aider pour ses études ; or ce lycéen a tout du sosie de Yu Xi Gu (ce qui n'a rien d'étonnant puisque c'est Huang Chun Chih qui tient le rôle), mais en beaucoup plus expansif et enjoué ; le junior reproche à Hao Ting de ne pas lui avoir parlé du retour annoncé de sa petite amie – une aînée dont il a fait la connaissance à l'université ; Hao Ting abrège la rencontre et dit adieu au lycéen ; il retrouve alors sa sœur qui l'accompagne dans un magasin pour compléter les vêtements à emporter ; or l'une des vendeuses le reconnaît : elle était plus ou moins sa petite amie (4) au temps du lycée ; les deux se retrouvent dans un café (encore un autre), et la jeune fille évoque le passé ; au détour d'une phrase, elle mentionne Yu Xi Gu, dont le nom fait réagir Hao Ting ; c'est à ce moment (vers la moitié de l'épisode) et par sa bouche que nous apprenons que Yu a été renversé et tué par une voiture (d'où l'image finale de l'épisode 9) puis qu'il a été enterré à la sauvette (il était orphelin) ; elle prononce ensuite deux phrases sur lesquelles nous reviendrons dans le commentaire de la deuxième partie de l'épisode ; mais, avant cela, il faut faire le point sur cette première partie et justifier la déception teintée de rage .
C'est bien sûr la mort de Yu Xi Gu qui est au cœur du débat ; deux façons de voir et de réagir s'opposent :
- d'un côté, on trouve celles et ceux qui (avec plus ou moins de restrictions) acceptent cette fin tragique, soit en renvoyant à Tristan et Yseult ou Roméo et Juliette, soit au nom du réalisme (pour lequel, comme aurait pu le dire Custer, un bon pédé est un pédé mort ) ;
- de l'autre, il y a celles et ceux qu'elle heurte ou accable ; bettschwere l'exprime bien, dans un commentaire sur MDL :
J'en ai vraiment marre de voir des personnages gays tués par goût du choc et pour un drame à bon marché .
Ce ne sont pas tant deux opinions différentes que deux priorités, deux regards : les unes privilégient une certaine théorie (liberté artistique, force émotive, archétypes dramatiques), les autres s'attachent d'abord aux conséquences pratiques (image produite et ressentie, représentation, stéréotypes nocifs).
Pour défendre (ou, du moins, refuser de condamner) le misérabilisme commun à tant d'épilogues de BL (et, plus largement, de productions centrées sur des personnages LGBT+), beaucoup développent le parallèle esquissé plus haut : qui irait demander à Cameron de refaire Titanic en mettant Jack dans un canot de sauvetage ? qui s'associerait à la demande d'un syndicat professionnel d'interdire Le Boucher parce que le personnage éponyme y est un assassin ? Alors, pourquoi ces récriminations des LGBT+ ?
Un vieux slogan publicitaire disait qu'il faut comparer ce qui est comparable . Et en effet, demandez à des personnes hétérosexuelles (ce n'est pas ce qu'il y a de plus difficile à trouver) de faire la liste de tous les gens qu'elles ont rencontrés dans leur journée (ou simplement croisés, voire aperçus) ; puis, une fois leur liste terminée, d'y encadrer les LGBT+ ; combien de listes n'auront pas un seul nom d'encadré ? En dehors des personnalités dont on entend seulement parler ou qu'on ne voit qu'en images, la grande majorité des hétérosexuelles ne connaît aucune LGBT+ (ou alors c'est sans le savoir, ce qui revient ici au même). Et le constat ne s'améliore pas quand on passe de l'individu au couple.
C'est là que se situe la différence fondamentale, si souvent oubliée : quand Shakespeare ou Cameron font mourir leur héroïne ou leur héros, tout le monde a en tête, dans son expérience de la réalité, nombre de couples de son entourage, plus ou moins heureux mais bien vivants ; du coup, la tragédie reste dans sa sphère de l'imaginaire – ni plus ni moins marquante que d'autres images , réelles ou fictives ; par contre, en l'absence de tout couple homosexuel connu et fréquenté, il leur faudra faire avec les seules représentations littéraires et cinématographiques, ici détournées de leur rôle naturel.
Faute primordiale aggravée par quatre erreurs (plus ou moins indépendantes) :
- la place de MODC dans la franchise HIStory : il ne fait pas de doute que l'effet aurait été grandement moins détestable si les séries avaient été organisées avec, par exemple, MODC dans History2, faisant déboucher l'ensemble sur Boundary Crossing puis Trapped ;
- le jeu de cache-cache de cette première demi-heure : les mêmes qui défendent la tragédie au nom de l'intérêt narratif ont sans doute apprécié les ellipses et les fausses pistes du début ; considérant que l'objet de ces tours et détours sont la mort de l'un des deux personnages principaux, ce jeu me paraît avoir quelque chose de malsain ;
- le junior : même après avoir vu cette partie de la série plusieurs fois, je ne comprends pas le sens des deux scènes où il apparaît : s'agit-il de suggérer que Hao Ting est obsédé par Yu Xi Gu au point de le voir dans quelqu'un d'autre ? C'est en contradiction avec le reste de la demi-heure où Hao Ting agit et parle comme si Yu n'avait jamais existé. Serait-ce alors que, par le plus grand des hasards, Hao Ting se soit retrouvé tuteur d'un lycéen qui est le sosie parfait de son amant mort ? Ridiculement peu vraisemblable ; et quand bien même on accepterait cette invraisemblance, que dire de son attitude si banale en face de ce sosie, à peine réservée quand le lycéen lui parle de sa petite amie ? Et en contradiction totale avec sa réaction au simple nom de Yu Xi Gu quand Li Shiyu le prononce un peu plus tard.
......Alors, une fausse bonne idée ? sans doute – mais trouver un tel enfantillage vers la fin d'un drame qui a déjà duré plus de sept heures, il y a de quoi rager. - D'une façon plus générale, à chaque nouvelle vision de l'épisode, quelques éléments s'éclairaient, quelques incertitudes disparaissaient ; mais une telle série n'est pas faite pour être scrutée au ralenti ou disséquée ; tout au mieux peut-on espérer qu'elle ne sera pas regardée en toile de fond d'une autre activité. Sans être nécessairement beaucoup plus bête qu'une autre, on peut garder des vingt-cinq premières minutes (jusqu'à la conversation avec Li Shiyu) l'impression désagréable d'avoir été menée en bateau.
Épisode 10 - deuxième moitié : à la vingt-huitième minute de l'épisode, en guise d'oraison funèbre, Li Shiyu dit à son ancien boyfriend :
Si je ne t'avais pas vu aujourd'hui, je n'aurais sans doute jamais repensé à lui . (5)
puis conclut par
Ça me fait vraiment plaisir de voir que tu vas bien .
Phrases anodines mais dont la maladresse involontaire va petit-à-petit anéantir Hao Ting : après avoir mis fin à la rencontre sur un simple Merci , nous le retrouvons dans la rue, marchant puis courant de plus en plus vite.
NB- dans la version en vingt épisodes, le Merci est la dernière image de l'épisode 19 tandis que le trajet dans la rue forme l'ouverture du vingtième.
Au terme de sa course, il arrive dans sa chambre, prend la boîte métallique (6) et, cette fois-ci, l'ouvre. Il en sort quelques photos, un calepin, une montre, objets dont la vue le fait fondre en larmes. Et nous le retrouvons (sans doute quelques heures plus tard) assis sur le bord d'un trottoir sous la pluie, pleurant toujours.
Sun Bo Xiang vient alors le rejoindre et parvient à le ramener chez lui ; dans une scène de près de sept minutes, Hoa Ting (un peu aidé par le whisky) va se confier :
J'ai essayé de l'oublier, j'ai pas pu ; la seule chose que j'ai réussi à faire était de garder son souvenir, je l'ai porté avec moi comme j'ai vécu, mais ça fait si mal. Il me manque vraiment… Il me manque tant… Mon cœur a mal. (5)
En face, Sun Bo s'emploie à le réconforter, le rassurer.
Le lendemain, revenu dans sa famille (avec le mal de tête promis par l'alcool), Hao Ting ne fait qu'un bref passage à table, le temps que ses parents lui conseillent vivement de se fiancer enfin avec Phoebe (l'aînée dont parlait le lycéen) ; mais il élude les questions.
Après une nouvelle scène centrée sur Sun Bo Xiang et son compagnon Lu Zhi Gang, on retrouve Hao Ting au volant de sa voiture ; il est arrêté à un feu rouge quand traversent deux collégiens dont l'intimité ne fait pas de doute ; Hao Ting revoit alors quelques moments saillants de ses premières rencontres (plutôt rudes) avec Yu Xi Gu – souvenirs qui lui laissent un visage marqué par la nostalgie ; puis, plus loin, d'autres scènes reviennent : premiers baisers, premières étreintes, activités partagées – souvenirs amenant un début de sourire.
Cette scène est immédiatement suivie, dans le film, par la dernière rencontre entre Sun Bo Xiang et Xiang Hao Ting – à nouveau assis dehors dans la nuit, mais cette fois au bord de l'eau et dans le calme ; on trouvera plus bas, dans la partie consacrée spécifiquement aux échanges entre les deux garçons, un commentaire plus complet de leur conversation ; je ne relèverai ici que les propos de Hao Ting donnant son sens à la fin de l'épisode ; à Sun Bo qui lui parlait de Yu Xi Gu, Hoa Ting répond :
Plus tard, je ferai un voyage dans l'Himalaya. Je pense que je suis prêt pour le voir.
NB- La montagne est un thème récurrent dans la nouvelle ; la première confidence de Yu Xi Gu à Hao Ting est que, pour lui, ses parents vivent toujours, mais dans une étoile, et qu'il veut monter sur la montagne la plus haute possible pour se rapprocher d'eux. Ce thème est au centre de la Fin alternative, mais il est appréciable de le retrouver ici.
Cette scène marque l'aboutissement de l'épisode, de Make Our Days Count et des vingt-cinq à vingt-six heures de la franchise HIStory
Comme on peut le constater, cette deuxième partie est aux antipodes de la première, dans l'esprit comme dans la réalisation, et elle ne me paraît pas appeler de critique (en dehors, évidemment, du préalable de la mort de Yu Xi Gu). On peut même être reconnaissant aux auteures d'avoir évité l'hyper-stéréotype si fréquent où l'échec du couple a une cause psychologique ou sociale – l'un des deux choisissant de se marier, d'entrer au couvent, ou simplement de vivre seul pour complaire à son entourage ; ici, le seul responsable est le destin (ou la malchance) ; Yu Xi Gu aura été fidèle à Hao Ting jusqu'à sa mort, et Hao Ting à Yu Xi Gu par-delà même cette mort.
Si la Fin alternative ne vous intéresse pas, rendez-vous directement à l'ensemble de la série.
Fin alternative
NB1- Quelle est l'origine de ce texte ? Une seule chose paraît sûre : il y a au départ un chapitre écrit en chinois ; mais à qui doit-on ce texte ? Trois réponses possibles :
- d'après certains commentaires, ce serait la fin de la nouvelle telle que l'a imaginée Shao Hui Ting, fin que les scénaristes de la série auraient modifiée (commme ç'a été le cas pour 2gether) ;
- pour d'autres, nouvelle et série s'accordent pour enterrer Yu Xi Gu, et la Fin alternative est un apport extérieur (comme le sont les traductions) ;
- enfin, certains affirment que la nouvelle contient deux fins différentes, l'une heureuse (celle qui figure ci-dessous) et l'autre tragique (celle de la série).
___Trouver qui a fait quoi est d'autant plus difficile que la nouvelle a été publiée après la diffusion de la série qu'elle était censée inspirer ; la troisième hypothèse semble cependant la plus fiable.
NB2-les traductions : on peut trouver au moins deux traductions en anglais ;
NB3- Le texte ci-dessous est donc la traduction en français de la traduction en anglais par
davidseern de l'original rédigé en chinois ; toutefois, davidseern signale avoir effectué quelques coupures ; d'une façon comparable, j'ai omis certaines phrases ou certains passages, pour ne pas trop allonger cette section
(8) ; ces suppressions sont signalées par
[…] .
__
__Xiang se réveilla en sursaut et ouvrit grands les yeux ; sur le moment, il ne pouvait pas dire où il se trouvait ni même qui il était. Ses joues étaient glacées.
__Il tourna la tête et le visage de Yu endormi lui apparut, un visage maintenant plus plein et en meilleure santé que lors de leur première rencontre au lycée ; seuls n'avaient pas changé ses sourcils et la pâleur de sa peau. Bien qu'il ait passé plus de temps au dehors ces dernières années, sa peau n'avait pas bruni.
__La respiration de Yu était profonde et lente, c'était la technique de respiration idéale pour les ascensions.
[…]__Xiang inspira profondément et comprit alors qu'ils étaient tous les deux dans l'auberge de la montagne PaiYun, attendant l'ascension du lendemain.
__Xiang avait fait un cauchemar. Il était trempé et son sac de couchage était brûlant de sueur. Il regarda autour de lui, voyant seulement le clair de lune qui se glissait dans la chambre. Il essaya de s'asseoir et de se sécher avant le petit déjeuner, mais ses mouvements réveillèrent Yu qui émergea de son sommeil et murmura : « C'est l'heure ? » Il y avait d'autres grimpeurs qui partageaient leur chambre, et Yu ne voulait pas les déranger.
__Xiang répondit : « Pas encore. »
__Il montra du doigt ses cheveux mouillés. « Ils sont trempés. »
__Yu s'assit et chercha à tâtons autour de lui une serviette de toilette à peu près sèche
[…]. Quand la clarté de la lune arriva sur le visage de Xiang, Yu remarqua sa pâleur extrême.
[…].
__Il demanda avec inquiétude : « Tu as eu un cauchemar ? »
[…].
__Xiang répondit : « J'ai fait le même rêve… Tu as un accident, ton corps est couvert de sang… » Xiang était visiblement effrayé par ses propres paroles et incapable de continuer ; les images de son cauchemar le hantaient
[…].
__L'accident… ce jour-là, les blessures subies par Yu avaient mis sa vie en danger, son cœur s'était presque arrêté. Mais dans le cauchemar, Yu mourait dans l'accident
(9), laissant derrière lui Xiang continuer le voyage de la vie – entrer à l'université, rejoindre le Département des recherches en Physique. Toute sa vie, Xiang serait seul, une vie totalement vide, une vie de peur et d'effroi, de jour comme de nuit…
__Yu murmura : « Ça fait si longtemps, maintenant… » Il fixa son regard sur Xiang ; ses yeux pleins de douceur et de tendresse devinrent plus attentifs et émus. « Je suis là, n'aie pas peur. »
__Xiang prit Yu et le serra contre lui ; son corps enveloppa le corps de Yu, avec tant de force qu'on aurait dit qu'il voulait le faire sien. De toutes les choses de sa vie, Yu serait certainement son trésor le plus précieux.
[…]__Xiang dit : « Tu m'as promis de rester avec moi pour toujours ! Tu n'as pas le droit de manquer à cette promesse ! » Tout-à-coup, il sentit qu'on lui frappait la poitrine, les mains qui enserraient son dos se mirent à trembler de façon inquiétante. Xiang comprit alors qu'il s'était conduit de façon stupide : même s'il lui arrivait d'éprouver du chagrin ou du désespoir, il devrait le garder pour lui ; pour l'instant, il ne faisait que noyer Yu dans ses propres frayeurs.
__[…] Xiang cligna des yeux et monta un peu le son de la musique de fond.
__Leur départ de l'auberge marquait le commencement du premier jour de leur ascension ; ils devaient, en une journée, terminer cette ascension et revenir par la même voie jusqu'à un refuge à mi-chemin, avant de terminer la descente le lendemain.
__Xian avait commencé à se frotter à l'escalade et aux montagnes quand il était entré au lycée, mais Yu n'avait jamais pratiqué d'activité physique. De plus, il
[…] devait compter avec les blessures occasionnées par l'accident. Même s'il tenait à conquérir lui-même les sommets, il lui fallait se ménager.
[…] (10)__Comme Xiang et Yu étaient les grimpeurs les moins expérimentés du groupe, ils marchaient derrière tous les autres, à l'exception du dernier de cordée – le meilleur d'entre eux – chargé de porter secours en cas d'urgence.
__Pendant toute la montée, personne ne força l'allure. L'ambiance était apaisée et joyeuse, on pouvait entendre les grimpeurs rire et se parler. Dans le groupe, la seule personne silencieuse et réservée était Xiang. Ce n'est que quand Yu se retournait pour le regarder qu'il affichait son plus beau sourire ; il n'arrivait pas à oublier le cauchemar de la dernière nuit.
[…]__Le serre-file nota que les pas de Xiang étaient mal assurés, et il s'en inquiéta : « Tout va bien ? » Xiang répondit : « Oui, ça va. Je pensais seulement à quelques problèmes… » L'autre reprit : « Il faut faire attention au chemin de la montée. Si vous perdez l'équilibre, si vous vous blessez, vous devrez abandonner l'ascension et retourner à l'auberge pour y attendre les autres. » Il lui tapa sur l'épaule pour qu'il reprenne le sentier de la montée.
[…] (11)__Quand le soleil matinal émergea des montagnes, Xiang accéléra le pas pour se rapprocher de Yu ; il nota que celui-ci avait le front couvert de sueur ; il enleva le linge de son poignet et s'en servit pour essuyer le front de Yu, qui le remercia
[…] et ajouta : « Tu penses encore à ce cauchemar ? » Xiang mentit : « Non ! Je pensais seulement à la vue splendide au sommet, quand nous y serons tous les deux. » Yu reprit malicieusement : « Il faudra que la vue soit assez belle pour te faire oublier ton cauchemar. »
__Yu n'était plus un jeune garçon innocent et naïf ; après avoir passé toutes ces années avec Xiang, il le comprenait mieux que personne, et il choisit de ne pas entrer en discussion pour le moment. Il se contenta de poursuivre la conversation, en évitant la question qui lui brûlait les lèvres.
__Il lui rendit son linge tout en poursuivant la montée. Pendant quelques instants, il prit la main de Xiang, avant de la lâcher. Se tenir par la main, dans une ascension, peut être extrêmement dangereux, mais il espérait faire ainsi passer dans la paume de Xiang un peu de chaleur qui éloignerait le cauchemar de la nuit.
[…]__Quand il atteignit le sommet, Xiang fut stupéfié par le paysage des forêts bleu de jade. Pas un nuage à l'horizon, le ciel était si pur qu'on pouvait voir la forêt sur des kilomètres et des kilomètres. La lumière tombant du ciel baignait d'un reflet doré le bleu de jade de la canopée. La vue était étincelante et pourtant reposante.
__Bien que le soleil soit juste au-dessus d'eux et sans voile nuageux, il ne faisait pas chaud du tout. Le temps agréable et le vent frais séchèrent la sueur de leurs dos. Le chef du groupe leur demanda d'aller déposer leur matériel dans une zone commune avant d'explorer librement le sommet.
__Les autres grimpeurs prenaient des photos du paysage grandiose avec la plaque du sommet pour prouver qu'ils y étaient bien parvenus, mais Xiang ne se joignit pas aux réjouissances. Il attrapa la main de Yu et l'entraîna à l'écart du groupe, préférant rester seul avec lui.
— Quel dommage que nous n'ayons pas pu arriver au sommet de nuit.
— Tout va bien.
__Pour Yu, ce contre-temps n'était pas très grave. Après tout, la Montagne de Jade n'était que la première marche dans leur conquête des sommets.
— Quand nous serons de retour à l'auberge, je leur dirai que nous avons franchi la première étape et que nous nous sommes rapprochés d'eux d'un pas ! […] Et ils seront très heureux.
— Sûr ?
__Yu eut un petit sourire et regarda autour de lui ; il vit que les autres grimpeurs étaient encore rassemblés autour de la plaque ou bien regardaient le paysage. Quand il fut certain que personne ne les regardait, il colla un baiser sur la joue de Xiang et lui dit
— Merci pour tout. — Dire merci n'est pas suffisant ; tu aurais pu m'embrasser un peu plus ! — Nous sommes en public !
__Yu était incapable d'embrasser Xiang sous le regard des autres. Ils se regardèrent et sourirent. Yu posa sur son cœur leurs deux mains enlacées ; c'était sa façon de montrer à Xiang qu'il l'aimait. Une promesse silencieuse peut être plus belle qu'un serment récité.
__Ils étaient tellement plongés dans leur propre monde qu'ils n'avaient pas noté que la nuit n'était plus très loin. C'était, pour le groupe, l'heure de redescendre. Ils s'aperçurent alors qu'ils n'avaient pris aucune photo du sommet ; ils demandèrent donc à leurs compagnons de les aider à prendre vite quelques clichés les montrant au sommet près de la plaque, puis ils remballèrent en hâte leur matériel. Les autres rirent de ces deux gentils garçons qui vivaient dans leur univers à eux.
__Il faisait nuit maintenant. Les autres alpinistes n'étaient pas encore allés dormir, ils parlaient de ce qu'ils avaient ressenti en haut de la montagne.
__Xiang apporta à Yu une tasse de coca chaud.
— Tu es heureux ?
— Très heureux ! Nous sommes allés au sommet ensemble, et tu es venu avec moi rencontrer mes parents. Je suis heureux.
__Yu eut un sourire lumineux.
— Ah ! autre chose : est-ce que tu te sens bien ? Est-ce que tu as encore ces bourdonnements d'oreille, des sensations de vertige ou de nausée ?
— Non !
__Xiang savait où Yu voulait en venir, il devait se faire encore du souci à propos du cauchemar. Pourtant, Xiang ne prêtait plus vraiment attention à ce rêve, il pensait déjà à la prochaine montagne à vaincre. La montagne Yang Ming ne devrait pas être trop difficile à escalader, et ils pourraient se baigner dans les sources chaudes situées sur leur route. Ce projet avait tout pour plaire à Xiang.
__Yu lui dit : « Très bien. Je t'en prie, arrête de penser à des rêves dépourvus de sens ; nous avons encore beaucoup de vies devant nous. Nous avons encore beaucoup de montagnes à vaincre à Taïwan. Et après, nous devrons aussi regarder du côté des autres montagnes, au-delà de Taïwan. Et, au bout, il y a la plus haute montagne du monde. »
__Projet irréaliste ? mais l'avenir leur appartenait, plein d'occasions et de possibilités. Et puis, inutile de s'inquiéter de ne pas atteindre le but ultime ; il fallait seulement se mettre en route. L'ascension de la montagne de Jade serait cette première étape.
__Xiang dit : « Père Yu, Mère Yu. Je sais que vous pouvez m'entendre l'un et l'autre. »
__D'une main, Xiang prit l'épaule de Yu pour le rapprocher de lui ; de l'autre, il sortit de sa poche une petite boîte ronde. Il s'était préparé depuis bien longtemps, mais il avait choisi ce moment-ci pour s'engager devant Yu. Ce dernier tourna son regard vers le visage de Xiang ; il ne se rendit pas compte que ses doigts avaient rejoint ceux de Xiang, qui poursuivit :
— Nous avons fait de notre mieux aujourd'hui, et nous avons atteint le sommet de la Montagne de Jade. C'est dommage que n'ayons pas pu y arriver de nuit et ainsi vous parler depuis le sommet.
__Yu, qui était blotti contre Xiang, frotta doucement sa tête sur la poitrine de son ami, en un geste plein de douceur.
[…]— À l'avenir, nous continuerons tous les deux à vaincre plus de sommets. Notre ultime but est l'Himalaya, où Yu sera au plus près des Nébuleuses. Alors, je vous demanderai à tous deux de me confier votre fils. D'ici là, je vous demande d'être patients et de nous attendre encore un peu. Je promets de traiter votre fils du mieux que je pourrai. Je prendrai soin de lui.
__Yu lui répondit en riant :
— Pourquoi es-tu soudain si sérieux et solennel ?
__Xiang dit seulement : « Xi Gu ».
__Il prit une inspiration, sortit de la boîte un objet métallique circulaire, le tint au-dessus de la main de Yu puis le lui passa au doigt. Il lui laissa le temps de se remettre de sa surprise. Yu examina de près l'objet glissé à son doigt : c'était un anneau en argent.
[…] Xiang reprit :
— Cet anneau est la marque de mon engagement envers toi.
__Avec la même solennité, il sortit de la boîte un autre anneau qu'il plaça dans la paume de sa main.
— J'ai fait graver nos noms à l'intérieur des anneaux. Aujourd'hui est pour nous un jour spécial ; il est juste que nous le fêtions.
[…] Le jour où nous gravirons l'Himalaya, il ne s'agira plus d'une bague de fiançailles, ce sera un anneau de mariage. Et pour le coup, tu n'auras plus le droit de dire « Non », seulement « Je suis d'accord. »
— Xiang Hao Ting…
__Yu ne savait quoi dire,
[…] il était tellement ému que ses yeux s'embuèrent et qu'il fut au bord des larmes.
— Où donc les gens agissent-ils de la sorte et quels gens ?
__Xiang répondit en souriant : « Ici. Moi. »
__Puis il demanda à Yu de lui passer l'anneau au doigt.
[…]. Xiang murmura « Xi Gu », en promenant doucement ses lèvres sur les joues de Yu, avant d'embrasser ses lèvres. L'odeur du coca chaud devint plus intense et la respiration de Yu s'accéléra. Il reprocha à Xiang d'oublier qu'ils étaient tous les deux en haute montagne : une telle action risquait de troubler le rythme respiratoire, il fallait s'en garder ; il détourna donc le baiser de Xiang.
— La prochaine fois, ce sera à moi de choisir les bagues de mariage.
__Yu se glissa contre Xiang et se cacha sous sa veste, ne laissant dépasser que sa tête, tandis qu'il se pelotonnait contre sa poitrine
[…]. Xiang répondit :
— À vrai dire, nous pourrons choisir le modèle ensemble ; Sun Bo connaît le bon endroit pour ça. D'ailleurs, ces anneaux-ci viennent de l'endroit qu'il m'a indiqué.
__Tous deux se mirent à parler doucement. Leurs yeux reflétaient les lueurs des étoiles dans le ciel, et les étoiles envoyaient leur éclat dans leurs iris, tandis qu'ils confiaient aux astres leur désir de marcher main dans la main, jusqu'au bout, pour tout leur vie à venir. Et les étoiles semblaient accepter leur promesse en les baignant dans leur lumière pleine de douceur et de force.
Sur l'ensemble de la série MODC :
Avant même d'aborder les thèmes développés dans la grille de lecture des deux articles de KearaMH, il faut parler de l'histoire et de ses personnages ; et là, on ne peut que regretter un manque d'originalité flagrant aussi globalement que dans les détails (au moins pour les premiers épisodes) :
- globalement : une fois de plus, le cadre central est un lycée, et les personnages principaux, des élèves de ce qui serait en France une classe de Terminale, avec, pour les deux héros , une opposition à la fois de caractères (le cancre entouré de sa joyeuse bande face au bon élève solitaire) et de situation sociale (celui à qui sa famille procure une existence aisée face à celui qui doit travailler pour survivre) ;
- dans le détail : à titre d'exemple, l'une des première séquence : une élève, voyant passer au loin le garçon dont elle s'est récemment entichée (et qui, lui, ignore jusqu'à son existence) se met à hurler et trépigner de façon hystérique puis vient le rejoindre et, bien sûr, fait semblant de trébucher ; bien sûr, le garçon l'agrippe pour l'empêcher de tomber ; bien sûr, un troisième personnage assistait à la scène et la photographie ; et bien sûr, ce tiers est l'un des copains du petit ami en titre de la demoiselle ; il s'empresse bien sûr de montrer la photo à ses autres copains qui, bien sûr, s'en prennent au garçon et l'agressent. Scènes vues et revues ad nauseam .
- Et quand on sort des sentiers rebattus, le résultat peut laisser perplexe, comme dans la scène où le père de Xiang Hao Ting poursuit son fils à travers tout l'appartement en essayant de lui taper dessus avec la chaussure qu'il vient d'ôter.
Et pourtant… Quand on en vient aux thèmes des articles de KearaMH, le bilan paraît moins négatif, avec deux verres à moitié vides, et deux autres plutôt bien remplis.
- On ne trouve pas, dans MODC, de fujoshi comme Meng Meng ou Lemon ; la relation entre Yu Xi Gu et Xiang Hao Ting est trop improbable et tardive, et celle de Sun Bo Xiang avec Lu Zhi Gang reste totalement extérieure au lycée ; on pourrait donc considérer le bilan comme favorable si les jeunes filles présentées dans la série (Li Shiyu et Mei Fang, pour l'essentiel) ne montraient pas, dans leur quête (purement hétérosexuelle) d'un garçon, la même hystérie et les mêmes comportements puérils que les fujoshis ; et il faut ajouter que le rôle dévolu à la mère de Xiang Hao Ting ne relève pas le niveau.
- Le stéréotype seme /uke fait lui aussi l'objet d'un traitement mi-figue mi-raisin :
• si l'on s'en tient au simple résumé du duo Xiang Hao Ting-Yu Xi Gu, on a l'opposition convenue entre un garçon sûr de lui, envié, disposant de (presque) tous les moyens matériels qu'il désire et un autre réservé, plus respecté qu'admiré, et dramatiquement pauvre ; et quand les deux ont brisé la glace, c'est bien Hao Ting qui essaie d'aller de l'avant, Yu freinant de toutes ses forces.
• Mais ce stéréotype est dépassé de plusieurs façons. D'abord, Yu domine Hao Ting dans deux domaines : la réussite scolaire (dont l'aspect social n'est pas négligeable dans le monde taïwanais) et surtout, sa pauvreté fait aussi de lui un adulte (il vit seul et travaille dans un bar), là où Hao Ting reste un enfant (qui vit chez ses parents et dépend d'eux matériellement). Ensuite, s'agissant de l'aspect plus physique de leur relation, Hao Ting n'a rien d'un nouveau Jin Teng (peut-être parce qu'il est novice en la matière…) ; lorsqu'il va retrouver Yu chez lui en souhaitant passer enfin à l'acte et que Yu s'y oppose, il s'éloigne. - Mais le bilan serait incomplet si l'on ne parlait pas de l'autre duo, le couple secondaire dans la terminologie des BL , composé de Lu Zhi Gang et Sun Bo Xiang ; le stéréotype y est encore plus malmené, puisqu'il offre un double écho de Right or Wrong et de Boundary Crossing.
• Comme dans le duo Shi Yi Jie-Fei Sheng Zhe de Right or Wrong, Lu Zhi Gang a une position sociale dominante : de cinq à six ans plus âgé que Sun Bo, il est le patron d'un petit restaurant, quand l'autre est encore lycéen ; de plus, Zhi Gang s'entraîne tous les jours dans la salle de musculation où Sun Bo travaille comme agent d'entretien ;
• et pourtant, c'est Sun Bo qui, le premier, le coince contre un mur pour l'embrasser et (dans une scène au réalisme assez inattendu) se montre le plus actif ;
• par la suite, Zhi Gang imposera une séparation de quelques années pour raisons professionnelles mais Sun Bo dirigera les relations (difficiles) entre le couple et la famille de Zhi Gang.
• On retrouve donc ce regard sur un couple d'âge inégal que KearaMH avait salué dans Right or Wrong, mais avec une répartition des rôles encore plus équilibrée ; et la dernière scène est l'occasion pour Sun Bo Xiang de raconter une querelle de ménage qui rappelle les relations heureusement banales de Qiu Zi Xuan avec Xia Yu Hao dans Boundary Crossing. En moins anecdotique, leur image est d'autant plus positive que la patience de Sun Bo permet finalement à Zhi Gang de renouer avec sa famille sans compromis sur sa vie sentimentale.
• Au total, Lu Zhi Gang et Sun Bo Xiang ne forment visiblement pas un couple culte (pas de vidéo consacrée à SunGang, pas de fan-club pour épier les rencontres entre Thomas Chang et Liu Wei Chen) ; mais certainement l'une des meilleures représentations qu'un BL ait pu offrir, l'une de celles qui font souhaiter que la réalité rejoigne la fiction. - Et nous retrouvons Sun Bo pour une dernière bonne surprise : les scènes où il est en tête-à-tête avec Xiang Hao Ting ; au départ, leur relation est un poncif : Xiang Hao Ting a une petite amie, Lu Shiyu, et un bestfriend (12), Sun Bo Xiang (dont la vie sentimentale est totalement inconnue de ses camarades de classe). Mais les choses vont vite se compliquer, et donner lieu à quelques scènes mémorables :
• la première se déroule un soir, sur le trottoir devant un restaurant ; Hao Ting y rencontre Sun Bo qui hésite à entrer pour aller déclarer sa flamme ; Hao Ting regarde par la vitre et s'étonne de ne voir aucune jeune fille ; Sun Bo lui explique alors que c'est un homme qu'il est venu voir ; Hao Ting commence par croire à une plaisanterie mais une fois que Sun Bo l'a détrompé, il lui prodigue conseils et encouragements comme si de rien n'était ;
• la deuxième scène se situe vers le milieu de la série : Hao Ting, commence à avoir des sentiments pour Yu Xi Gu et se retrouve du coup dans une situation nouvelle pour lui ; il va donc consulter Sun Bo, pour avoir l'avis d'un expert ;
• la troisième scène réunit les cinq garçons de la bande : certains propos échangés entre Hao Ting et Sun Bo ont surpris les trois autres, qui demandent quelques éclaircissements ; Sun Bo leur dit alors qu'il a une liaison avec un homme ; et Hao Ting ajoute que lui-même est amoureux de Yu Xi Gu ; après un peu de flottement, John et les deux frères en prennent leur parti ; ils iront même jusqu'à emprunter des yaois dans une bibliothèque pour compléter leurs connaissances ;
• restent les deux scènes qui terminent le dernier épisode ; il n'est pas besoin de les reprendre ici puisqu'elles ont déjà été présentées plus haut, avant la Fin alternative. On peut toutefois rappeler comment, dans la première des deux, Sun Bo offre à Hao Ting une suite de symboles protecteurs : son parapluie, sa voiture, sa maison, et son genou sur lequel Hao Ting s'appuie pour finir de pleurer. Quant à la scène finale, un échange de propos (qui n'a pas été mentionné plus haut) mérite qu'on s'y arrête : après que Hao Ting a expliqué ce qu'il comptait faire durant les années à venir, Sun Bo enchaîne :
— Une fois, tu m'as dit que tu n'aimais pas les garçons, que tu aimais seulement Yu Xi Gu. Mais maintenant que tu l'as rencontré, tu ne ressens rien ? aucune envie d'essayer ?
— Parce que personne ne le remplacera.
La dernière question de Sun Bo a de quoi surprendre, parce qu'elle ressemble beaucoup à une offre de service, plutôt inattendue à cet endroit de l'histoire. À l'opposé, la réponse de Hao Ting ne manque pas de force, puisqu'elle constitue, au-delà de l'hommage à Yu Xi Gu, un engagement proche du vœu de chasteté.
Bouclons la boucle : MODC mérite-t-il le 1/10 que lui accorde KJCTdramafan ? Assurément pas ; d'ailleurs, quand on fait la moyenne de ses notes partielles, on arrive à 4,25 ; même le 1/10 donné au scénario paraît contestable, comme ont pu le montrer les analyses qui précèdent (le personnage de Sun Bo Xian vaut à lui seul plusieurs points). Pourtant, il reste bien une déception teintée de rage ; il aurait suffi de peu pour faire de Make Our Days Count le bouquet final d'HIStory – simplement moins de paresse ou de complaisance, refuser les clichés faciles dans les premiers épisodes, la dramatisation larmoyante dans les derniers. Mais on ne récrit pas l'HIStoire.
Ajout tardif : six mois après
MODC a été diffusée une mini-série japonaise du nom de
Life Senjou no Bokura (18).
Plusieurs traits rapprochent les deux séries, à commencer par le jeu d'oppositions entre les deux principaux personnages de chacune :
- opposition physique : l'un représente le gendre idéal, bien fait de sa personne et bcbg (Akira Ito dans LSnB, Xiang Hao Ting dans MODC), l'autre a une séduction que l'on pourrait dire « plus piquante », moins classique (Nishi Yuuki d'un côté, Yu Xi Gu de l'autre) (19) ; l'extrait d'affiche de chaque série en donne un aperçu aaa
(l'image a été retournée horizontalement pour correspondre à l'ordre de présentation ci-dessus) ; - opposition sociale : à Akira Ito et Xiang Hao Ting une famille sans soucis d'argent ; à Nishi Yuuki et Yu Xi Gu un quotidien matériellement plus difficile ;
- opposition de caractères : les premiers ont des amis (plus ou moins sûrs) et une petite amie (plus ou moins déclarée), les seconds sont des solitaires.
Les deux séries se rejoignent aussi dans leur découpage temporel ; on a vu que le dernier épisode de MODC se situe plusieurs années après le continuum des neuf précédents ; de façon assez similaire, les trois premiers épisodes de LSnB se déroulent en continu alors que le quatrième commence deux ans plus tard pour s'étaler sur une dizaine d'années. | |
Encore deux points communs, plus anecdotiques mais significatifs :
- on sait que Hao Ting avait été déçu quand, lors de leur première entrevue intime, Yu Xi Gu avait refusé de faire l'amour, mais qu'il avait respecté sa volonté ; dans LSnB, c'est un simple baiser qui effraie Nishi Yuuki, et là aussi, Akira sait se montrer patient ;
- tout comme Yu Xi Gu est captivé par les montagnes, Yuuki rêve d'aller en Alaska voir une aurore polaire (et ce rêve aura un rôle décisif dans la fin de l'histoire).
On peut donc trouver un air de famille entre les deux séries, mais ces ressemblances n'auraient pas justifié à elles seules cet ajout ; la raison déterminante réside dans une trentaine de secondes, de 25:10 à 25:45 dans le dernier épisode. À la fin du précédent, après quelques mois de vie partagée heureusement, Akira Ito se sépare de Nishi, choisissant de renoncer à leur amour dans l'espoir de mener une vie « normale », avec une femme, une bonne situation et une position sociale enviable – tout ce que ses parents envisagent pour lui. Mais les choses se dégradent au fil des mois, le souvenir de Nishi prend de plus en plus de place ; Akira finit par divorcer et affronter sa mère, puis se met en quête de son ami, mais sans pouvoir le retrouver. Il décide alors de faire seul le voyage dont Yuuki rêvait pour eux deux, et part en Alaska pour assister à une aurore polaire ; et c'est là qu'il voit, à une dizaine de mètres de lui, un jeune homme, rejoint quelques instants plus tard par un autre jeune homme, visiblement son compagnon. Leur dialogue ne peut avoir pour Akira qu'une résonance douloureuse :
(l'arrivant) | — Désolé pour l’attente. |
(l'autre) | — Tu es en retard. |
(l'arrivant) | — Je t’avais dit que ce serait joli. (20) |
Or ces deux jeunes gens sont Huang Juan Zhi (l'arrivant) et Wayne Song (l'autre), les interprètes de Yu Xi Gu et Xiang Hao Ting de MODC. Si brève soit-elle, cette présence a bien sûr été relevée et commentée. C'est ainsi que meowngchwita écrit (dans les commentaires de Rakuten-Viki)
| | [Cette rencontre] m'a donné l'espoir que ces deux-là ont finalement trouvé un bonheur éternel dans un autre univers, mais m'a aussi rappelé à quel point la fin de Making Our Days Count était triste. |
Soit – mais on peut aussi penser que les auteures de Life Senjou no Bokura ont adopté la fin alternative , permettant à Hao Ting et Yu Xi Gu d'être heureux hic et nunc sans avoir besoin d'aller dans un autre univers. C'est d'ailleurs tout-à-fait en accord avec leur propre histoire, puisque Akira Ito et Nishi Yuuki finissent par se retrouver, pour de bon et pour longtemps, cette fois.
w Dark Blue & Moonlight (
en chinois,
Bleu foncé et clair de lune en français, série à ne pas confondre avec
Dark Blue Kiss ) aurait presque pu faire partie de
HIStory : elle aussi d'origine taïwanaise, la série est due à Adiamond Lee qui avait déjà réalisé
Obsessed, et sa diffusion a eu lieu entre
Obsessed et
Right or Wrong. On peut donc assez facilement caractériser
DB&M en la comparant aux séries de
HIStory, et surtout à celles de la dernière saison :
- comme Trapped ou MODC, elle est centrée sur deux couples gays ;
- comme dans un croisement de Trapped et de MODC, l'un des deux personnages principaux, Yan Fei, a le pouvoir et l'argent (il est directeur du marketing d'une société florissante) ; l'autre, Su Hai Qing, est encore étudiant, dépendant matériellement de son père, aux revenus nettement plus modestes.
Mais on a vu qu'un certain flou demeurait sur l'orientation sexuelle de Tang Yi et Meng Shao Fei dans Trapped (voir ce qu'en dit plus haut KearaMH) comme sur celle de Xiang Hao Ting et Yu Xi Gu dans MODC (cf. le fameux Je n'aime pas les garçons, j'aime Yu Xi Gu ) ; ici, les quatre personnages principaux sont basiquement (13) homosexuels – ce qui enlève au moins un des ressorts dramatiques habituels.
Que reste-t-il alors ? Trapped montre comment les deux personnages principaux (Tang Yi et Meng Shao Fei) construisent leur couple principal tandis les deux personnages secondaires (Jack et Li An) construisent le leur, sans interférence amoureuse entre les deux (il n'y a que des relations professionnelles ou amicales entre Tang Yi et Jack ou Meng Shao Fei et Li An) ; il en va de même dans MODC, Make It Right, Love by Chance et quasiment toutes les autres séries ; mais ici, les deux personnages principaux sont chacun dans l'un des deux couples principaux : Yan Fei vit avec Jimmy, Su Hai Qing avec Chen Ping Jun ; l'histoire ne sera donc pas la construction en parallèle de deux couples mais l'éclatement de deux couples existants pour en construire un troisième, laissant évidemment la moitié des personnages sur le carreau.
DB&M mérite donc bien son titre, c'est l'un des BL les plus sombres, surtout quand on revient au point de départ : au bord d'une piscine, Su Hai Qing aperçoit Yan Fei en train de discuter, et, immédiatement séduit, il le prend en photo ; un peu plus tard, dans les vestiaires, Yan Fei le croise, le plaque contre un mur et l'embrasse ; le sort les empêchera de se revoir avant longtemps et c'est sur ce souvenir que tous deux fantasmeront, pendant que le couple Yan Fei-Jimmy se délite et que Chen Ping Jun construit patiemment sa relation avec Su Hai Qing ; puis le même sort fait se croiser à nouveau les chemins de Su Hai Qing et de Yan Fei. Dans la tragédie classique (Oreste aime Hermione qui n'aime que Pyrrhus qui n'aime qu'Andromaque qui n'aime qu'Hector qui est mort), le malheur vient de l'absence de solution ; ici, il provient de l'excès : Yan Fei aime Su Hai Qing qui l'aime, mais Chen Ping Jun aime (aussi, autrement) Su Hai Qing qui l'aime (aussi, autrement) ; il n'y a donc pas heurt entre amour et indifférence mais entre deux formes d'amour ; et c'est là qu'on peut retrouver la réalisatrice d'Obsessed : Su Hai Qing choisit (ou laisse choisir) la richesse et la séduction de Yan Fei au détriment de la fidélité et de la sagesse de Chen Ping Jun, la passion d'un moment plutôt que l'amour d'une vie. Les commentaires dans MDL ou sur YouTube sont partagés : plusieurs font de Chen Ping Jun le vrai héros de l'histoire, tandis que d'autres insistent sur le réalisme de Su Hai Qing, aux deux sens du terme : c'est bien comme ça que ça se passe irl et c'est le choix du pragmatisme.
Si l'on considère les autres thèmes abordés par KearaMH :
- la contrainte : l'orientation sexuelle marquée des quatre principaux personnages les fait souffrir d'un manque de marque d'affection plutôt que d'un excès ;
- les fujoshi : pas de Meng Meng dans la série ; le principal personnage féminin est Pinky, la sœur de Chen Ping Jun, qui joue pour son frère un rôle comparable à celui de Ye Wen Ling pour Sheng Zhe dans Right or Wrong, et échappe en grande partie à la caricature habituelle ;
- l'inceste : les quatre principaux personnages n'ont aucun lien de parenté.
On voit donc que le bilan de DB&M ressemble beaucoup à celui de MODC (globalement positif , à l'exception de la fin masochiste), mais aussi à celui de Right or Wrong pour le personnage féminin ; la comparaison peut encore être prolongée pour les intérêts connexes : KearaMH se félicitait de voir dans Right or Wrong une réflexion sur le rôle des parents et une autre sur la relation entre deux personnages d'âge et de statut social différents ; dans DB&M, on peut trouver des éléments de discussion intéressants sur le coming-out, notamment à travers la situation de Yan Fei :
- d'une part, tous ses collègues de travail et (bien sûr) ses amis savent qu'il est gay ;
- de l'autre, quand il retourne quelques jours par an chez sa mère, il botte en touche en rencontrant les jeunes filles que sa famille lui présente (mais en repartant aussi célibataire qu'il était arrivé) ;
- son compagnon, Jimmy, vit mal cette double personnalité, se sentant humilié par ces parenthèses dans leur couple ; Yan Fei, lui, considère que le principal est qu'ils puissent vivre ensemble ; après tout, quand il part en voyage d'affaire, il n'emmène pas Jimmy et ça ne cause de problème à personne ;
- ironie du sort (ou, plutôt, noirceur du scénario) : Yan Fei entreprend de mettre sa mère devant la réalité quand Jimmy a été remplacé par Su Hai Qing – alors que ce dernier, visiblement, s'accommoderait de la situation antérieure.
Mais cette scène laisse un goût pénible : quand Yan Fei lui présente Su Hai Qing comme son boyfriend, la mère s'enferme dans le déni en disant à Hai Qing qu'il a le droit d'être gay mais pas celui de corrompre (wrong friend ) son fils qui, lui, ne l'est évidemment pas ; Su Hai Qing quitte alors la pièce et Yan Fei s'apprête à le suivre mais sa mère lui demande s'il la laissera seule, et Yan Fei se rassoit comme un bon petit chien. Masochisme, quand tu nous tiens !
Cette même conclusion lâche (aux deux sens du terme) vaut pour Jimmy, qui, semble-t-il, finit par se consoler avec une jeune fille tireuse de cartes. Tout ça pour ça.
Si la série comprend douze épisodes sur Rakuten Viki , on trouve sur YouTube (dans des chaînes différentes) quatre mini-épisodes supplémentaires (numérotés bien sûr de 13 à 16, ils semblent être la découpe d'un épisode unique) ; les trois premiers présentent la vie quotidienne de Yan Fei et Su Hai Qing dans diverses activités (cuisine et repas, toilette du matin, Hai Qing dessinant Yan Fei – on pourrait se croire sur le vlog d'un couple gay ) mais le quatrième s'ouvre sur le réveil de Yan Fei qui, ne trouvant pas Hai Qing à ses côtés, le cherche dans toute la maison et constate que le dessin que son ami faisait la veille a lui aussi disparu ; suit alors le rappel habituel de souvenirs des moments heureux. Fin. Sans doute faut-il en déduire que Su Hai Qing a repris sa liberté. De quoi répéter Masochisme, quand tu nous tiens ! et Tout ça pour ça .
e Diffusée de septembre à décembre 2018 (donc entre Boundary Crossing et Trapped), Love by Chance est une production d'origine thaïlandaise ; la qualité et le succès de cette série sont indéniables, mais la grille de lecture de KearaMH aboutit à un bilan nettement plus problématique :
- le stéréotype seme /uke s'y étale dans toute sa splendeur : Pete est homosexuel, timide, maladroit, sa seule force est l'argent dont dispose sa famille (il est fils unique et vit chez sa mère, qui le soutient matériellement mais aussi moralement) ; Ae est masculin (admettons bi), débrouillard, protecteur malgré une situation sociale plus précaire (il a un frère aîné et une sœur cadette, et ses parents tiennent un petit commerce ; lui-même est un programme Thaï , c'est-à-dire qu'il a été admis au lycée dans le cadre d'une politique d'ouverture aux groupes sociaux moins favorisés) ; le même schéma s'applique d'ailleurs à l'autre couple, Tin et Can, avec Tin en seme (il a l'argent, le pouvoir et l'arrogance) et Can en uke (il est plus jeune, sans grandes ressources et pas vraiment fute-fute) ;
- la série contient une scène de relation sexuelle non consentie (Kengkla profitant de ce que Techno est ivre pour le sodomiser) ; cet épisode est vivement critiqué par Twoony dans sa revue sur MDL :
[…] C'était un viol pur et simple, pénible et troublant à regarder […] Non seulement c'est une insulte à la communauté LGBTQ+, mais les hommes en général devraient se sentir insultés parce que, d'une manière ou d'une autre, chaque série donne l'impression qu'ils ne peuvent penser qu'avec leur entre-jambes (14). - on peut aussi observer une relation entre Tum et son jeune demi-frère Tar (15) ;
- dans l'épisode 13, Lemon (la sœur de Can) trouve sur le téléphone de son frère une photo de Pete et Tin (dont le seul lien est, en fait, leur appartenance à la classe sociale dominante). En bonne disciple de Meng Meng, interprétant l'image de travers, elle fantasme un couple Pete-Tin (un uke et un seme tout trouvés) et, sourde au conseil pourtant éclairé d'Ender (KEEP.IT.IN.YOUR.ROOM ), s'empresse de diffuser la bonne nouvelle , semant confusions et embarras tout autour.
- Si certains défauts sont moins marqués que leurs équivalents de HIStory, l'ensemble a du mal à se faire oublier.
À cela s'ajoute un problème un peu hors sujet, mais qui mérite d'être mentionné : l'épilogue, qui a eu du mal à passer :
- le couple Ae-Pete : verre à moitié plein parce que les deux garçons sont maintenant ensemble, mais à moitié vide parce que Ae est parti en vacances avec ses (vieux) copains, tandis que Pete est resté seul chez lui ; certes, ils se téléphonent longuement, mais ils restent séparés par plusieurs centaines de kilomètres, ce qui ne favorise pas les contacts ; les producteurs ont dû prendre conscience du défaut, puisque l'on voit, dans toute la partie centrale de la conversation téléphonique, Ae et Pete l'un contre l'autre, mais ce n'est qu'une scène fantasmée, et nous quitterons Pete assis sur son lit dans sa chambre solitaire ;
- plus dérangeante encore, la dernière image de Tin : effondré dans sa salle-de-bain, en pleurs, parce que Can l'a repoussé.
- On comprend bien que le succès obtenu lors de la mise en ligne des épisodes successifs a conduit les producteurs à prévoir une seconde saison ; du coup, il fallait que la fin de la première n'en soit pas vraiment une, pour favoriser le passage à la suite ; mais cette saison 2 n'a jamais vu le jour (certains échos évoquent un tournage vers la fin de 2020, mais le futur reste incertain) (*) ; de toutes façons, cette suite devrait se faire sans Suppapong Udomkaewkanjana, l'interprète de Pete, ce qui sépare à jamais Ae de son ami.
(*) la saison 2 a finalement bien vu le jour. La note (21) lui est consacrée.
Et parce qu'une surprise peut en cacher une et même deux autres, si LbC_2est resté dans les cartons (*)a tardé à venir, la maison de production a sorti deux mini-séries (Reminders et TwoWish) dont le principe de création laisse perplexe : le décor est celui de LbC, les acteurs sont ceux de LbC mais les personnages qu'ils incarnent ont changé à la fois de nom et de caractère : le timide Pete est devenu un Son sûr de lui et Ae a perdu toute sa force en devenant Pin, tandis que Tin l'arrogant est devenu un Two à la limite du bêtifiant ; de toutes façons, l'ensemble est trop court et schématique pour qu'on s'y attarde plus longtemps.
Pour quitter LbC sur une note plus positive, on peut y saluer, parmi les intrigues secondaires, la naissance de l'un des (rares) couples hétérosexuels sympathiques et sans caricature : celui de Pond (le bestfriend d'Ae, au départ coureur de jupons invétéré) et ChaAim (qui le conduit à ajouter les sentiments au sexe).
r fin 2019 et début 2020, la série la plus marquante a été TharnType, de même origine que LbC, mais assez différente dans les domaines qui nous occupent ici.
- Dès le choix des acteurs, la présence de Mew (16) pour interpréter le rôle principal de Tharn a valeur de représentation, puisque c'est un des rares acteursouvertement gays , comme on dit aujourd'hui.
- La seconde étape commence de façon un peu plus conventionnelle : comme Pete, Tharn appartient à une famille (très) aisée, connaissant l'orientation sexuelle du jeune homme et n'hésitant pas à le soutenir moralement ; en face, comme Ae, Type appartient à une famille plus modeste et ne doit pas attendre beaucoup d'aide de la part des siens (et encore moins pour sa vie sentimentale que pour ses finances). Mais certains détails font la différence : c'est Tharn qui a un frère aîné (sur qui il peut toujours compter) et une petite sœur, alors que Type est fils unique (pour autant que je me souvienne) ; et, surtout, les deux jeunes hommes ont chacun leurs forces et leurs faiblesses ; s'ils ne combattent pas avec les mêmes armes, ils le font à armes égales, l'un prenant le dessus sur l'autre au gré des événements et des efforts ; on retrouve ce qui faisait l'intérêt de Trapped (avec un contenu social plus banal, puisqu'il s'agit de deux étudiants, et non d'un officier de police face à un chef de bande). Dernière précision : dès l'une de leurs premières conversations, Tharn raconte à Type que, lors de son premier rapport sexuel, il était passif (P'San étant l'actif), mais que, depuis, il avait toujours occupé l'autre rôle. Meng Meng n'aurait ainsi même pas besoin de demander quelle sorte de top il est ; et tout laisse à penser que les choses n'auront pas changé avec Type ; mais ce n'est qu'une confidence au détour d'une conversation sur ce qui a pu occuper quelques poignées de minutes, les jours fastes, et ne fixe pas les rapports de force ou de sentiments ; les considérations sur l'allergie de Tharn aux nourritures épicées prennent plus de place et, d'une certaine façon, ont autant d'importance (c'est sur cette allergie que jouera P'San pour rabaisser Type).
- Une autre originalité bienvenue tient dans le début de la relation entre Tharn et Type ; dans le schéma courant, le gay-de-service rencontre un homme (par hasard), en tombe amoureux (immédiatement), et toute la série n'a qu'à suivre le chemin permettant au premier de mener le second dans son lit ; c'est ce que fait Jin Teng avec Yi Chen dans Obsessed (pour le pire) et Sarawat avec Tine dans 2gether (en un peu mieux) ; mais il en va autrement dans TharnType : Tharn (qui sort d'une rupture amoureuse dramatique) n'éprouve rien de particulier pour Type lorsque celui-ci arrive dans sa chambre ; on ne refait pas l'Histoire, mais il est permis de penser que si Type avait eu un comportement banal et neutre, Tharn ne lui aurait pas prêté d'attention particulière et que, s'il avait souhaité retrouver un partenaire, il l'aurait certainement cherché parmi son cercle d'amis (musiciens notamment) ; c'est l'acharnement de Type contre lui qui oblige Tharn à le regarder, l'écouter, qui le fait entrer dans sa vie et, finalement (parce que c'était lui, parce que c'était moi), le fait s'attacher à lui ; et aussi, à l'occasion, quelque chose qui doit ressembler aux sentiments du toréador quand il agite sa cape devant le taureau et parvient finalement à esquiver son attaque.
- Parlons un peu de l'acharnement de Type ; c'est son premier leitmotiv : I hate gays . Le propos n'est (hélas) pas follement original, mais il est rare de l'entendre prononcer de façon aussi directe et absolue par l'un des deux héros du BL ; la suite dévoilera les raisons de cette violence et permettra à Type de s'en guérir ; mais avant et même pendant, elle oblige Tharn à réagir, à témoigner, à fixer les règles du jeu ; et il y a là un travail de représentation que je trouve remarquable.
- Bien sûr, quelques points peuvent prêter à discussion :
- entre le viol dont Type a été la victime, le triple viol subi par Tar et celui auquel le même Tar n'échappe que grâce à l'intervention de Tharn, la barque paraît lourdement chargée ;
- la notion de sexfriend mise en avant par Type pendant un temps a de quoi laisser perplexe ;
- quel âge Tar avait-il quand a commencé sa relation avec Tharn ? on peut estimer que ce dernier a environ dix-neuf ans, tout comme son ancien ami Tum, le frère aîné de Tar ; or Tar est clairement plus jeune que Tum, d'au moins deux à trois ans ; il aurait donc entre seize et dix-sept ans ; mais la rupture entre Tar et Tharn remonte à au moins un an et a été précédée d'une liaison de même durée ; le calcul conduit donc à quatorze-quinze ans, encore moins si l'on s'en tient à l'âge qu'on lui donnerait (17).
___Mais ces réserves ne sauraient faire oublier les qualités et les apports originaux de la série, que l'on peut hisser en haut du podium, aux côtés de HIStory:Trapped.
Encore deux points hors sujet, mais non sans intérêt :
- Sur un plan anecdotique, cette série est doublement reliée à Love by Chance :
- d'abord, Pete et Tin font une brève apparition vers la fin du dernier épisode, venant souhaiter bonne chance à Tharn et Type quand ils ont décidé de vivre ensemble ;
- à l'inverse, on retrouve dans LbC, comme personnages secondaires, plusieurs personnages de TharnType : Type lui-même (mais sans Tharn), Tar et son frère, ainsi que Techno, le meilleur ami de Type (qui a plus d'une fois joué les intermédiaires entre Type et Tharn) ; mais l'affaire est compliquée d'abord par un décalage chronologique : LbC (bien que sorti un an avant TharnType) est censé se dérouler quelques années après ; mais surtout par le fait que les interprètes de ces personnages ne sont pas les mêmes que dans TharnType ; et comme ces personnages sont secondaires, ils ne font que passer dans de courtes scènes dont le sens n'est pas toujours évident.
- Plus sérieusement, il n'est pas possible de parler de TharnType sans évoquer le personnage de Lhong (incarné par Kaownah Kittipat Kaewcharoen). Personnage de tragédie, à la fois charmeur et ignoble, pathétique et criminel, rien ne le définit mieux que le titre du film de Sergio Gobbi : Un Beau Monstre . Dans les trois premiers quarts de la série, c'est le bestfriend de Tharn, le confident, l'homme de confiance et aussi le compositeur et chanteur du groupe dont Tharn tient la batterie. Et puis les choses changent. Pas Lhong d'ailleurs, toujours aussi séduisant et attentionné, mais l'image que nous nous faisons de lui ; des détails inquiétants apparaissent – un regard quand Tharn refuse son aide, un rendez-vous où Lhong « se confie » à Type ; jusqu'aux deux derniers épisodes où se révèlent les machinations criminelles dont il est l'auteur ; manipulateur infâme, mais sublime, forcément sublime, puisque toutes ses manipulations n'ont qu'une source : son amour pour Tharn – amour lancinant que Tharn n'a pas su voir ; il est probable que c'est la liaison entre Tharn et Tar qui a tout fait basculer ; jusque là, Tharn devait fréquenter des garçons de son âge (il y a quelques années entre Tharn et Lhong), et Lhong devait être fier de jouer les chevaliers servants auprès de ces seniors ; mais quand Tar les a remplacés, Lhong a certainement ressenti comme une injustice (pourquoi lui et pas moi ?) combinée au désespoir (c'est fini : mon tour est passé) ; et pourtant, Lhong a continué en apparence son service fidèle auprès de Tharn, et Tharn n'a rien vu, n'a jamais compris.
___Le passage du dernier épisode où Lhong, tombé dans le piège que lui a tendu Type et comprenant qu'il a tout perdu, continue à crier à Tharn un amour devenu fou dans tous les sens du terme, est un moment dont on ne sort pas indemne.
t HIStory4:Close To YouPréambule zigzagantLes producteurs de HIStory ayant jugé bon (ou, plus vraisemblablement, rentable) de remettre le couvert avec une saison 4, la conscience professionnelle (ou ce qui en tient lieu chez un simple amateur) oblige à rendre compte de cette nouvelle série. À l'heure où ces lignes sont rédigées, l'épisode 3 (sur les vingt annoncés) vient d'être mis en ligne ; mais plusieurs semaines avant le début de la diffusion, le synopsis et la distribution des rôles avaient été publiés sur Rakuten Viki à cette adresse [⇒] (contenu repris par MDL). Intitulée Close to you, la série est, comme auparavant, indépendante des précédentes : autres personnages, autres interprètes – à une exception près dont il sera question plus bas.
- Mon projet initial était de publier un commentaire provisoire de la présentation puis de le remplacer par une version définitive quand toute la série aurait été diffusée ;
- premier virage : la mise en ligne du premier épisode (plus tôt que je ne l'avais supposé) a fait perdre à ce provisoire sa raison d'être – mieux valait attendre le dénouement pour se prononcer ;
- deuxième virage : à l'issue du troisième épisode, il s'est avéré que je ne regarderais pas les suivants ;
- dans cette situation, le plus simple était de revenir au commentaire initial (en y ajoutant quelques précisions permises par le visionnage) et d'exposer les raisons qui ont poussé à arrêter les frais prématurément.
La traduction ci-dessous est celle que donne DeepL :
__
___Xiao Li Chen, qui dirige le service des ventes d'une des sociétés organisatrices de mariages les plus populaires du pays, est un homme pragmatique qui sait comment travailler et bien travailler. Simple et audacieux, Li Chen peut conclure une affaire sans même cligner des yeux. Mais quand il s'agit d'amour, Li Chen est le premier à admettre qu'il aurait besoin d'un peu d'aide. Ayant le béguin pour Liu Mei Fang depuis son enfance, Li Chen décide que la seule façon d'attirer l'attention de son amour de toujours est de recruter l'aide de son collègue de travail, Teng Mu Ren. Sachant que Mei Fang est un peu une fujoshi, Li Chen demande à Mu Ren d'être son « cavalier »
(22), espérant que l'attention du beau Mu Ren éveillera l'intérêt de Mei Fang pour lui. Mais ce qui commence comme un acte innocent entre amis se transforme en quelque chose de plus sérieux.
___Pendant ce temps, le directeur des créations de la société, Ye Xing Si, se retrouve pris dans une relation tout aussi inattendue avec son demi-frère à deux visages, Fu Yong Jie, un étudiant en médecine qui a une obsession inexplicable pour Xing Si. Aussi opposés l'un à l'autre que le jour et la nuit, les deux frères ne semblent pas pouvoir s'échapper de la toile enchevêtrée qu'ils ont tissée par inadvertance autour d'eux.
___Alors que les quatre hommes s'efforcent de comprendre leurs sentiments, ils commencent à réaliser que lorsqu'il s'agit de questions de cœur, tout est possible. Mais vont-ils se permettre de suivre la voie de leur cœur ?
Faut-il le porter au crédit ou au débit des créateurs de la série ? Les deux premiers épisodes correspondent assez bien au synopsis ; mais ce qui est peu engageant ou même désagréable à la lecture peut devenir franchement pénible une fois mis en images et en sons. Trois cailloux dans la chaussure :
- les minauderies de Liu Mei Fang – que les producteurs ont cru bon d'amplifier d'abord en les reprenant dans le générique, ensuite en donnant à la jeune fille une sorte de double (une collègue de travail un peu plus âgée) ;
- le personnage de Xiao Li Chen : spectacle vite insupportable que ce jeune homme imposant à son collègue des simulacres de gestes amoureux juste pour faire frétiller devant une photo la jeune fille qu'il convoite mais qu'il n'est même pas capable de courtiser à la loyale ;
- le synopsis ne rend pas vraiment compte de la violence dans laquelle les auteurs plongent la relation entre les demi-frères : dès le premier épisode, Fu Yong Jie agresse Li Chen parce que ce dernier avait eu un geste de camaraderie envers Ye Xing Si ; au second, Li Chen se venge en démolissant Yong Jie lors d'une parodie de combat de boxe ; au troisième, Xing Si gifle son frère quand il prend conscience qu'ils ont fait l'amour durant la nuit précédente (25).
Pour les épisodes restants, je m'en remets donc à l'irremplaçable Revil (cf. sa chaîne YouTube [⇒]).
y HIStory5: Love in the Future
C'est le dernier avatar en date de la franchise, dû à Nancy Chen (qui avait déjà réalisé HIStory4: Close To You). Dans MDL, cette série a donné lieu à des commentaires très contrastés ; pour en donner une idée, on peut considérer les notes attribuées par les différentes revues qui ont suivi sa diffusion aaa Si on laisse de côté les notes inférieures à 3 (dont les motifs sont généralement sans lien avec les qualités ou les défauts de la série), on peut constater qu'il y a quasiment autant de notes allant de 3 à 5 que de 8 à 10. | |
S'agissant des quatre points analysés par KaeraMH,
- l'inceste : les derniers épisodes voient le retour de Fu Yong Jie et Li Chen, les deux demi-frères de Close To You , dans une version apaisée puisque leur union vient en clôture de la série ;
- les fujoshi : le principal personnage féminin, Wei Se Mo, meilleure amie de l'un des deux principaux rôles masculins, n'est pas Meng Meng ni même Liu Mei Fang ; mais on peut regretter de la voir parfois s'en approcher, notamment dans les premiers épisodes ;
- le trope seme/uke et le harcèlement : ici encore, on est loin d'Obsessed ; entre Hai Yi et Tai Che Ni, les rapports de force s'équilibrent ; c'est moins vrai entre Liang Wen Hsen et Lin Huai En, puisque le premier est directeur d'un magasin important quand le second n'est qu'employé stagiaire, avec plusieurs années de moins que son supérieur ; mais les aléas de leur relation sentimentale sont sans lien direct avec cette inégalité ;
- la représentation des LGBT+ : c'est le point le plus critique, avec le personnage de Tony ; responsable du service dans lequel travaille Lin Huai En, il se trouve donc socialement entre ce dernier et Liang Wen Hsen ; mais il est par ailleurs amoureux (d'abord secrètement) de son directeur, ce qui en fait le rival de son subordonné ; restent deux traits qui viennent surcharger le personnage : d'un côté, c'est le méchant, jaloux et mauvais perdant, qui n'hésite pas à se venger de Lin Huai En en l'enfermant dans une chambre froide ; mais la réalisatrice fait aussi de lui ce qu'un commentateur appelle un gay flamboyant , qui fait rapidement penser d'abord à l'Albin de La Cage aux Folles et ensuite aux personnages de femmes transgenres dans les séries thaï, immanquablement bêtes et méchant[e]s. Si l'on ajoute au tableau les deux supposées petites amies de Hai Yi et Liang Wen Hsen, aussi arrogantes qu'antipathiques, on voit que la barque des clichés discriminatoires est assez bien remplie.
Et pour le reste ? Pour le reste, c'est une lapalissade ; comme le notent certains commentaires, la série n'est pas si mal quand on aime
- les voyages dans le temps et les réincarnations ; c'est ainsi qu'à la suite d'un accident de scooter suivi d'une maladresse du préposé au destin, He Bo Wei qui vivait avec sa grand-mère en 1999 se retrouve subitement en 2022 dans le corps de Tai Che Ni – précisons, pour faire bonne mesure que ce Tai Che Ni s'appelle Dai Zhe Ni dans les sous-titres de Viki et répond au surnom de Johnny ;
- les clichés, tropes et poncifs ; outre Tony et les demoiselles déjà mentionnées, on a droit à l'orphelin élevé par sa grand-mère (He Bo Wei) et l'orphelin pris en charge par un aîné (Liang Wen Hsen) ; et, dans un registre différent, les derniers épisodes reposent en bonne partie sur l'incommunicabilité (avec cette scène étrange où Hai Yi et Tai Che Ni refusent de lire les messages que l'autre leur envoie, tout en se plaignant que cet autre ne réponde pas aux leurs) ou le faux sacrifice (Tai Che Ni poussant Hai Yi dans les bras d'une jeune fille pour qu'il souffre moins de la solitude quand lui, Tai Che Ni, l'abandonnera) ;
- le jeu de Sean Chang dans le rôle de Tai Che Ni : visiblement, beaucoup apprécient sa façon de surjouer, quand le moindre sentiment donne lieu à une débauche de mimiques et de gestes ; mais c'est pour cette raison que j'ai renoncé à la série japonaise Sahara Sensei to Toki-kun , fatigué par les outrances de Hachimura Rintaro prenant à témoin la caméra à la moindre contrariété.
Pour la petite histoire, on peut noter que l'un des quatre main roles de HIStory4 est interprété par Anson Chen et que l'un des principaux intervenants de HIStory5 s'appelle aussi Anson Chen ; il s'agit pourtant de deux acteurs différents ; en chinois ; le premier s'appelle Chen Li An (陳立安) et le deuxième, Chen Xi An (陳璽安) – Chen étant leur nom de famille, c'est la première partie du prénom qui les distingue, distinction effacée dans le pseudonyme.
u Stellae meae
La liste ci-dessous n'a rien d'exhaustif et ne se veut même pas un palmarès. Il s'agit seulement de montrer que les travers dénoncés par KearaMH (et précisés par certains commentaires) ne sont pas inhérents au BL mais sont des facilités ou des rabâchages que se permettent certaines auteures persuadées (souvent à raison, hélas) que nombre de destinataires les leur pardonneront ou même leur en sauront gré.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Notes ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
(1) Si les noms et prénoms chinois ne posent pas de problème de longueur, leurs détenteurs (du moins quand ils sont acteurs de BL) en varient facilement le libellé ; ainsi
Song Wei En apparaît-il en général sous le nom de
Wayne Song (Song étant son nom de famille et Wayne, l'anglicisation de son prénom Wei En) ; de façon comparable, le
Huang Juan Zhi de
MDL se nomme
Huang Chun Chih sur
Wiki Drama ou Instagram, et
Huang Yi Zhi ailleurs.
(2) Clin d'œil du scénario : alors que les cinq membres de la bande se donnent tous du
brother , deux d'entre eux sont aussi, dans l'histoire, des frères biologiques ; et clin d'œil de la production : ces deux frères sont interprétés par Xia De et Xia En, deux jumeaux
dans la vraie vie .
(3) (3) Ce résumé passe sous silence une scène brève mais étrange : sortant d'un bâtiment, Hao Ting voit un peu plus loin sur le trottoir un garçon qui attend ; il l'appelle et tous deux se rejoignent ; or le garçon ressemble étonnamment à Yu Xi Gu, mais leur rencontre est rapide et Hao Ting ne dit que « Pourquoi si rapidement ? », puis chacun repart de son côté ; le sens de ces quelques dizaines de secondes s'éclairera en partie plus tard (lors de la rencontre avec le
junior ).
(4) Bel exemple de la difficulté à établir des faits : Hao Ting s'adresse à elle en l'appelant
Li Shi Yu d'après les sous-titres sur YouTube,
Li Shiyu d'après ceux de Viki (mais la bande-son donnerait plutôt quelque chose comme [litsé]) ; malheureusement
- la liste des rôles dans MDL ne mentionne que deux rôles féminins : Lin Cai Zhu (interprétée par Sara Yu – c'est apparemment la mère de Xiang Hao Ting) et Liu Mei Fang (interprétée par Cindy Chi) – pas de Li Shi Yu ;
- Wiki Drama , lui, mentionne Li Siwei, qui peut correspondre à Li Shiyu / [litsé], en précisant que le rôle est joué par Wang Zhen Lin ;
- si l'on se fie aux photos, la jeune vendeuse aurait plutôt les traits de Cindy Chi (donc Liu Mei Fang) mais, dans le cours de la conversation, elle dit tenir certaines de ses informations de Mei Fang (du moins c'est ce que traduisent les sous-titres) ;
- selon MDL, l'actrice ici appelée Cindy Chi a pour nom de naissance Ji Xin Ling (le prénom pourrait correspondre au Zhen Lin de Wiki Drama ), mais est aussi connue comme Ji Xinyi ou Ji Xin Yu.
Alors, pas facile de déterminer qui est qui.
(5) (5) Les citations reprennent les sous-titres en français créés par
l’équipe qui compte@Viki.com .
(6) Subtilité du scénario ou faux raccord ? La chambre ne semble pas être celle qu'il occupe chez ses parents (dans la première moitié de l'épisode) ; on pourrait penser à l'appartement où il vivait avec Yu – dont il a dit qu'il en maintenait la location. De même, la boîte métallique semble un peu différente de celle que l'on a déjà vue deux fois – l'une paraît plus neuve que l'autre.
(7) Je n'ai découvert l'existence des travaux de stebeee et d'Isabelle qu'après avoir terminé le texte présenté ici, et il m'a semblé plus clair de laisser les deux traductions en français totalement indépendantes.
(8) Certainement par fidélité à l'original, le texte en anglais semble à diverses reprises plutôt redondant.
(9) Façon élégante de dire tout le mal qu'on peut penser de la fin choisie par les producteurs de la série.
(10) La partie omise est un retour en arrière sur la préparation de ce voyage ; on y trouve cette phrase, quand Yu s'inquiète de voir Xiang lui acheter un matériel particulièrement coûteux : « Xiang dit que c'était son devoir de mari. » L'emploi de
husband appellerait évidemment de longs commentaires ; on se limitera ici à renvoyer à la note
(17) de la section principale.
(11) La traduction en anglais de DS indique ici qu'a été omis un passage du chapitre décrivant
les voies d'ascension à la Montagne de Jade .
(12) La distinction entre
bestfriend et
boyfriend est elle-même un lieu commun des
BL :
boyfriend renvoie à une relation amoureuse (
petit ami ), genrée par nature ; en anglais,
bestfriend a l'avantage sur le français
meilleure amie de ne pas tenir compte du genre de l'ami
e, ce qui correspond mieux à la situation : un personnage homosexuel-de-base peut avoir aussi bien
un meilleur ami (comme Lhong pour Tharn) qu'
une meilleure amie (comme Ye Wen Ling pour Fei Sheng Zhe) ; même chose pour un hétérosexuel-de-base (cf. Ae pour Pond dans
Make It Right) ; leur relation est indépendante du genre puisqu'elle est par nature dépourvue de tout caractère sexuel.
(13) On désigne ici par
basiquement homosexuel (ou, ailleurs,
homosexuel-de-base ) un personnage qui n'a eu que des liaisons homosexuelles et ne se pose pas de question quant à son orientation sexuelle ; l'un des meilleurs exemples est Sun Bo Xiang dans
MODC.
(14) On trouve plus loin, dans les commentaires, un échange instructif entre HollisAL et michin_girl ; HollisAL ayant minimisé les choses, michin_girl lui demande si elle (ou il) soutient le viol ; ce à quoi HollisAL répond :
Je soutiens les auteurs et tout ce qu'ils ont choisi d'écrire, oui. C'est là qu'intervient le bon sens, ce n'est pas le travail des auteurs de tenir la main des spectateurs et de s'assurer qu'ils savent que certaines choses sont mauvaises ; nous sommes supposés en connaître assez à ce sujet. Je suis vraiment désolée si on ne vous a jamais appris à distinguer le bien du mal, mais ce n'est pas la responsabilité d'un auteur de s'assurer que vous le savez. Visiblement, HollisAL oublie deux aspects importants du problème :
- sa défense de la liberté d'expression est respectable, mais il faut aussi garder à l'esprit qu'une bonne partie de celles et ceux qui regarderont la scène sont des adolescentes, voire des enfants, et que c'est justement ce spectacle qui, parmi d'autres, leur apprendra (ou ne leur apprendra pas) à distinguer le bien du mal , à se fixer des repères ;
- avec KearaMH et michin_girl, ce qu'on doit reprocher à de telles scènes, ce n'est tant leur violence que l'absence de tout jugement, de toute mise en perspective de cette violence ; bien sûr (et hélas), le viol existe dans la vie réelle mais il y est un vrai crime menant dans une vraie prison (du moins est-ce ainsi que les choses devraient être ou, au pire, tendre à être) ; dans ces BL , il est présenté comme une étape somme toute banale de la conquête amoureuse ; c'est là qu'il y a erreur, tromperie et danger.
NB- précision nécessaire : ce qui précède se rapporte à l'agression de Techno par Kengkla, filmée dans LbC ; il en va autrement des viols subis par Type et Tar dans TharnType : les deux jeunes gens y sont présentés comme les victimes d'un crime seulement évoqué (dans les deux cas, antérieur au présent de la série) et rendu encore plus odieux par l'âge, pour Type, et par la mise en scène, pour Tar.
(15) De
TharnType à
LbC, le jeune homme n'est pas épargné : d'abord, ses parents sont totalement absents, et Tum, son demi-frère, lui sert aussi de père et de mère ; ensuite, vers quatorze ans, il a une relation amoureuse avec Tharn, son aîné de plusieurs années ; au bout d'un an, il est violé par trois hommes alors que Lhong enregistre la scène et se sert du film comme moyen de chantage ; quelques années plus tard, il a une autre relation amoureuse, cette fois-ci avec son demi-frère lui-même.
(16) Il faut mentionner cette particularité thaïlandaise : les prénoms et noms de famille sont (à notre aune) très longs et difficiles à mémoriser ; ainsi les deux principaux interprètes de
TharnType s'appellent-ils Suppasit Jongcheveevat et Kanawut Traipipattanapong ; c'est pourquoi les acteurs
se choisissent un pseudonyme (*), en général monosyllabique (tant qu'à faire !) et souvent de sonorité anglophone ; dans le cas de nos deux héros, il s'agit respectivement de
Mew et
Gulf ; là-dessus est venue se greffer la coutume de désigner les duos par les deux pseudonymes accollés ; par conséquent, les vidéos dont le titre contient
Mewgulf sont consacrées aux activités communes de Suppasit Jongcheveevat et Kanawut Traipipattanapong (tournages, coulisses, spectacles, voire débordements sur la vie privée). On se heurte cependant à deux séries d'homonymie : d'abord parce que certains surnoms ont du succès (par exemple,
Gun a été choisi par ou pour Napat Injaieua, Sawasdiwat Na Ayutthaya, Natthawat Chainarongsophon, Korawit Boonsri – et la liste est loin d'être complète ; c'est pourquoi on trouvera fréquemment
Mew Suppasit ou
Gun Napat) ; ensuite parce que le même type de nom est également utilisé pour les personnages qui, eux, n'ont par ailleurs ni prénom ni nom de famille.
(*) habituellement, il ne s'agit pas de nom de scène ou de pseudonyme mais plutôt d'un surnom donné par les parents à l'enfant en plus de son prénom officiel.
(17) La différence d'âge entre personnage et interprète est un sujet de réflexion récurrent, en particulier quand il s'agit d'adolescent
e : dans
Queer as Folk , Nathan Malooney est censément âgé de quinze ans, alors que Charlie Hunnam avait dépassé les dix-huit ans lors du tournage (précaution utile compte tenu de ses passages par le lit de Stuart Alan Jones) ; la
liste des élèves [⇒] de
La Vie devant Nous permet aussi de constater que l'interprète a souvent plusieurs années de plus que son rôle. Dans les épisodes de
TharnType, l'allure et le comportement de Tar donnent plutôt l'image d'un adolescent d'une quinzaine d'années (ce qui ferait débuter sa liaison vers treize ans) ; pourtant, paradoxes en série : son interprète (Parinya Angsanan) avait au moins vingt-trois ans à l'époque du tournage, et il a trois ans
de plus que Natthad Kunakornkiat, qui joue le rôle de son frère censément aîné. Le chassé-croisé se trouvait déjà dans
LbC où Katsamonnat Namwirote (qui joue Tar) est également plus âgé que Kirati Puangmalee (interprète de Tum).
Pour revenir à TharnType, quand on regarde la série, on a bien le sentiment que Tharn doit être plus âgé que Type ; mais les six à sept ans qui séparent Mew de Gulf dépassent de beaucoup l'écart perçu.
(18) Comme pour
Boundary Crossing, le titre varie d'un média à l'autre ; le titre original est bilingue :
;
Senjou no Bokura est la transcription du japonais en caractères latins ; selon les traducteurs automatiques, il signife
Nous sur la ligne (allusion au TOC des deux principaux personnages qui s'obligent à marcher sur une ligne précise du trottoir) ; mais on trouve aussi des traductions plus libres allant de
Life - Love On The Line à
Life is What We Make of it ; la version en français présente sur
Rakuten-Viki est intitulée
La vie et l'amour en jeu .
(19) Il est sans doute bon de préciser que cette opposition (qui n'est pas sans rappeler de très loin celle d'Oliver Hardy et Stan Laurel) se retrouve plus ou moins nettement dans nombre d'autres duos de
BL : Yan Fei/Su Hai Qing dans
Dark Blue & Moonlight, Yuan Jun Cheng/Lin Xun dans
Because of You, Tang Yi/Meng Shao Fei dans
Trapped, Tin/Can dans
LbC, Chi Zhen/Lu Li dans
Original Sin et même Lu Zhi Gang/Sun Bo Xiang dans
MODC.
(20) Traduction par l'
équipe des Pingouins Amoureux sur
Rakuten-Viki.
(21) Il ne s'agit pas ici d'analyser
LbC2 comme il a été fait pour les autres séries mais, pour l'essentiel, de préciser l'enchaînement entre les deux saisons.
La principale différence a déjà été mentionnée plus haut ; il s'agit de l'absence (physique , visuelle) de Pete, qui a obligé les scénaristes à réduire l'importance du personnage de Ae et faire de Tin et Can le couple principal.
Pour Ae, comme pour le duo Kengkla-Techno, l'enchaînement temporel est logique : nous sommes quelques mois après la fin de la première saison, donc dans le courant de l'année scolaire suivante ; pendant les vacances, Pete a quitté sa ville d'origine, et Ae essaie de maintenir le lien à coup de SMS ou de dialogue sur les réseaux sociaux ; parallèlement, Techno est tiraillé entre la rancune ou la défiance envers Kengkla et une attirance de plus en plus forte.
Mais les choses sont moins cohérentes pour Tar et Tum et, surtout, Tin et Can.
À la fin de TharnType (donc quelques années avant LbC1), Tar partait en Europe pour rompre avec un passé nauséabond ; c'était la situation dans laquelle on le trouvait dans toute la première partie de LbC1 ; mais, au cours de la deuxième partie, il revenait dans la maison familiale, où il retrouvait Tum – ce qui avait entraîné divers commentaires critiques sur les relations plus ou moins incestueuses ; or au début de LbC2, il est à nouveau en Europe, et n'en revient que dans le courant de la série, en reprenant cette fois-ci une relation fraternelle classique.
Reste le duo Tin-Can, « main couple » de la série. Alors que LbC1 nous avait laissées sur Tin effondré (au sens propre comme au sens figuré) par un refus de Can, LbC2 commence avec deux garçons qui ne se connaissent pas (ils sont dans deux établissements scolaires différents) ; certes, dans le premier épisode, un panneau indique « Trois mois plus tôt », mais
- la solitude d'Ae est alors incohérente,
- le récit de ces trois mois occupe toute la première moitié de la série (six épisodes),
- l'histoire qui y est racontée diffère de ce que montrait LbC1.
Pour faire une compaison très rapide avec les problèmes relevés dans LbC1 :
- seme/uke : difficile de faire plus fort ! Tin est plus âgé, plus riche, plus actif (dans tous les sens du terme) ;
- le viol : comme on l'a vu, au fil des épisodes, Techno en fait le deuil ;
- l'inceste : retour à la norm[al]e ;
- la fujoshi : Lemon continue à s'occuper des affaires de son frère, cette fois-ci en refusant de croire qu'il ait une liaison avec Tin, qu'elle juge beaucoup trop bien pour lui.
- la fin : les auteurs n'ont pas lésiné : Tin et Can, Techno et Kengkla, Tum et Keen, Tul et Gonhin, tous ont trouvé leur moitié d'orange ; même Ae (pirouette finale ?) reçoit dans le dernier épisode un message de Pete annonçant son retour.
(22) Ce passage n'est pas très clair ; l'original dit
Li Chen asks Mu Ren to be his “date” : il demande donc à Mu Ren de devenir son
petit ami – mais le petit ami de qui ? La version française de
Rakuten Viki traduit par
Li Chen demande à Mu Ren de « sortir » avec elle mais
his donne à penser qu'il s'agit plutôt de Li Chen ; final de compte, tout le monde a raison puisque Mu Ren jouera successivement les deux rôles.
(23) Ce caractère unique est-il définitif ? On trouve dans
MDL une page titrée
HIStory4: Make Our Days Count 2 [⇒], ce qui laisse entendre qu'après
Close to You devrait être produite une autre série se présentant, elle, comme la suite directe de
HIStory3: Make Our Days Count ; et on trouve bien dans cette page quelques éléments repris de
MODC : mêmes mots-clés, même ensemble de six photos dans le cadre
Cast & Credits (à deux exceptions près : la photo de Wilson Yu est différente et les deux frères Xia ont échangé leur place). Mais, pour le reste, c'est le grand vide : pas de texte de présentation, aucune indication sur les auteurs, réalisateurs ou producteurs, rien sur le nombre d'épisodes ou la date de sortie. Toute supputation sur ce que pourrait être cette suite paraît donc vaine. Seul constat : plus de trace de Liu Mei Fang.
(24) Pour les séries suivantes, on pourrait proposer la tringle et l'anneau, le doigt et la narine, le train et le tunnel, la frite et le beignet ;
l'épée et le fourreau ou
le piston et la culasse tiendraient sans doute du plagiat.
(25) Et que l'on ne vienne pas parler de viol : Ye Xing Si est l'aîné (et le camarade de travail de Li Chen qui a démoli Yong Jie à la boxe), il ne dormait pas et, quand Fu Yong Jie lui a dit qu'il l'aimait, Xing Si a répondu que c'était réciproque ; la seule excuse qu'il avance est qu'il avait bu ; mais son frère ne l'a pas drogué, il ne lui a pas mis un entonnoir dans la bouche pour le forcer à avaler du whisky ; l'alcool n'est pas une circonstance atténuante, pas plus que dans un accident routier.
NB- la lecture de divers commentaires oblige à mentionner que ma façon de voir les choses n'est pas la plus répandue.
(26) Quelques épisodes opposent les héros de la série à Zhang Teng, le chef d'un gang rival, particulièrement cruel et sanguinaire – interprété par Wayne Song, avec parmi ses hommes de main un certain Juan qui n'est autre que Huang Chun Chih. Le monde du BL est décidément facétieux.
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