♣_______Page mise à jour le 7 mars 2018 vers 06h50 TUC |
Cette section du site se compose de quatre parties :
Introduction / légende | |||||
Chapitre Ier | Chapitre II | Chapitre III | Chapitre IV | Chapitre V | |
Chapitre VI | Chapitre VII | Chapitre VIII | Chapitre IX | Chapitre X | |
Chapitre XI | Chapitre XII | Chapitre XIII |
Notes | ||
Annexe I | liste des personnages classés par date de naissance | |
Annexe II | histoire[s] et Histoire | |
Annexe III | La semaine des peu de jeudis | |
Annexe IV | Annus horribilis | |
Annexe V | Le coin du chronopathe : quand est née Anna ? | |
Annexe VI | Deux cas de tic onomastique | |
Annexe VII | un seul être vous manque… | |
Annexe VIII | Vous ici ? | |
Annexe IX | D. I. L. |
Que les faits soient réels ou imaginaires, tout texte narratif comporte diverses informations chronologiques permettant, à la lecture, d'en suivre l'enchaînement. Ces informations peuvent être réduites au strict minimum comme dans le récit de César Veni, vidi, vici (degré zéro, puisque seuls les faits eux-mêmes sont explicités) mais, le plus souvent, elles forment un ensemnle plus développé dont les éléments peuvent être répartis en trois groupes :
Chaque texte narratif peut donc se caractériser par la fréquence et le type de ses informations chronologiques ; deux exemples succincts – mais moins expéditifs que le résumé de César, et plus proches de Zola :
Avec plus ou moins de précision, ces renseignements permettent de déterminer la chronologie du texte, et il en va bien sûr de même pour L'Assommoir, où ces indications sont relativement nombreuses. Mais pourquoi avoir précisé interne dans le titre de cette page ? C'est que, pour ce roman (comme pour les autres livres des Rougon-Macquart, et mutatis mutandis, pour d'autres auteurs, à l'occasion), la chronologie fournie par le texte peut être confirmée, complétée ou contredite par des informations provenant de trois autres sources :
Le principe suivi ici est le même que pour Le Cauchemar d'Innsmouth [⇒] : établir la chronologie à partir du texte (d'où le qualificatif de chronologie interne ) ; ensuite, quand une source externe croise cette chronologie interne, une note en rend compte. L'annexe V détaille un exemple qui peut éclairer ce choix.
Pour en revenir au texte lui-même, il offre un éventail d'indications quasiment complet, que le tableau suivant présente en les classant par type et par durée :
indications… | Heure | Jour | Mois | Année | |
absolues | précises | il était dix heures | le samedi 29 juillet | ||
vagues | vers cinq heures | un samedi | à chaque printemps | ||
relatives | précises | pendant deux mortelles heures | Huit jours plus tard, | au bout de deux mois | Trois années se passèrent |
vagues | Des heures encore passèrent | les jours suivants | Gervaise dura ainsi pendant des mois | depuis des années |
Comme on peut le voir, tous les cas de figure se rencontrent, à l'exception de l'année absolue [*] , ce qui empêcherait normalement d'ancrer la chronologie du roman dans l'Histoire ; heureusement, à ces informations explicites s'en ajoutent d'autres, plus indirectes :
Légende | colonne de gauche | colonnes | de droite | ||||
Gervaise à sa fenêtre | résumé de l'action ou de la situation | avril…juin | = durée (avril + mai + juin) | ||||
Quand Gervaise s'éveilla | extrait du texte - récit | avril~juin | = fourchette (avril ou mai ou juin) | ||||
Quel joli mois de mai ! | extrait du texte - dialogue | retour en arrière | |||||
Étienne, âgé de quatre ans | indication d'âge d'un personnage [*] | même date que la case précédente | |||||
Huit heures | durée du chapitre | 1850 | date à inférer de la suite [**] | ||||
[*] placer la souris sur le nom pour afficher la date de naissance | [**] placer la souris sur la case pour afficher la date |
Chapitre Ier____________Huit heures | Heure | Jour | Mois | Année | N° |
Gervaise, à sa fenêtre, attend le retour de Lantier [retour en arrière] jusqu'à deux heures du matin. Puis […] Quand Gervaise s'éveilla vers cinq heures Claude, qui avait huit ans [...] Étienne, âgé de quatre ans seulement | nuit ~ 5 | mai | 1850 | 1 | |
l'hôpital de Lariboisière, alors en construction | 1846… 1853 | 2 | |||
Visite de Coupeau quel joli mois de mai ! (1) | début | mai | 1850 | 3 | |
l'autre jour, quand on a voté pour Eugène Sue (2) | 1849~ 1850 | 4 | |||
Retour de Lantier jusqu'à huit heures il resta ainsi près d'une heure {Auguste Lantier} C'était un garçon de vingt-six ans Gervaise n'avait que vingt-deux ans | 8…9 | 1850 | 5 | ||
Gervaise revient du Mont-de-Piété au bout d'une demi-heure (3) | ~9h30 | 1850 | 6 | ||
Gervaise part au lavoir Il était dix heures | 10 | 1850 | 7 | ||
Conversation avec madame Boche Onze heures sonnaient. | … 11… | 1850 | 8 | ||
Gervaise quitte le lavoir après la bagarre avec Virginie C'est deux heures, ça fait deux sous | 12 | 1850 | 9 | ||
Revenue dans la chambre, elle constate le départ définitif de Lantier le pavé échauffé […] allumait une réverbération ardente | ~13 | 1850 | 10 | ||
Chapitre II____________Deux à trois mois | |||||
Gervaise et Coupeau attablés à l'Assommoir Trois semaines plus tard, vers onze heures et demie Un gros homme de quarante ans,le père Colombe {Coupeau} gardait la peau encore tendre de ses vingt-six ans | 11h30 | milieu~fin | mai | 1850 | 1 |
Gervaise accompagne Coupeau au bas de la maison des Lorilleux avant de retourner au chantier {Maman C.} avait eu ses soixante-deux ans le 3 du mois dernier L'une de ses sœurs, madame Lerat, une veuve de trente-six ans L'autre {madame Lorilleux}, âgée de trente ans, | 12 | 1850 | 2 | ||
Coupeau fait sa cour à Gervaise Pendant un mois Vers les derniers jours de juin un mardi soir, […] vers onze heures | 23 | un mardi | juin fin juin | 1850 | 3 |
Gervaise accompagne Coupeau chez les Lorilleux Un samedi soir […] à huit heures et demie […] soirée de juin {Lorilleux} Le mari, d’une année plus âgé seulement, Coupeau annonce son mariage La noce aura lieu le samedi 29 juillet (4) | 20h30 | un samedi | 1850 | 4 | |
Chapitre III____________Quelques jours | |||||
Gervaise et Coupeau préparent leur mariage Dès que le mariage fut décidé, Enfin, le vendredi soir, la veille […] jusqu'à onze heures | …23 | 28 | juillet | 1850 | 1 |
Mariage de Gervaise et Coupeau Le samedi matin | samedi 29 | juillet | 1850 | 2 | |
- à la mairie pour dix heures et demie […] seulement vers onze heures | 10h30 | 1850 | 3 | ||
- à l'église midi avait sonné | 12 | 1850 | 4 | ||
- au Moulin-d'Argent : collation, arrivée des invités, discussions il était une heure Il est deux heures passées […] pendant un quart d'heure | 13 14h30 | 1850 | 5 | ||
- trajet jusqu'au Louvre, visite du musée puis retour à l'air libre Quatre heures sonnaient. | 16 | 1850 | 6 | ||
- promenade, ascension de la colonne Vendôme Il était près de cinq heures et demie | 17h30 | 1850 | 7 | ||
- retour au Moulin-d'Argent pour le dîner pour six heures. On attendait la noce depuis vingt minutes | 18h20 | 1850 | 8 | ||
- le repas de noce Au-dehors, le soleil se mourait sur les branches hautes | 20~21 | 1850 | 9 | ||
- Dans le silence, M. Madinier causait politique Leur loi du 31 mai est une abomination (5) - Bibi-la-Grillade […] avait vu le Bonaparte On disait qu'il allait faire un tour du côté de Lyon (5) Lorilleux[…] était né […] le 29 septembre 1820. | 1850 | 10 | |||
- fin (houleuse) du repas ; les convives rentrent chez eux. Il était à peine onze heures Au bas de l'hôtel Boncœur, rencontre avec le père Bazouge. | 23 | 11 | |||
Chapitre IV____________Quatre ans | |||||
Annonce de l'ensemble du chapitre Ce furent quatre années de dur travail | 1850… 1854 | 1 | |||
Retour au récit dans les premiers temps surtout | deuxième semestre | 1850 | 2 | ||
Gervaise et Coupeau économisent pour s'acheter des meubles… ils amassèrent […] en sept mois et demi (6) | mars~avril | 1851 | 3 | ||
… et quitter l'hôtel pour une maison rue Neuve de la Goutte d'Or L'emménagement eut lieu au terme d'avril | début | avril | 4 | ||
Naissance de Nana Ce fut le dernier jour d'avril que la jeune femme accoucha Retour de Coupeau Quand il rentra, à sept heures Visite de la famille et des amis Jusqu'à dix heures […] Puis, comme la société songeait au départ, on parla du baptême. Ce sera pour dimanche (7) | ~17 19 ~23 | 30 | 5 | ||
Gervaise reprend son travail Trois jours après ses couches Dès le samedi soir, madame Lorilleux apporta ses cadeaux | 3 6 | mai | 6 | ||
Repas de baptême - bonne entente avec les Goujet Le lendemain Goujet était un colosse de vingt-trois ans | 7 | 7 | |||
Goujet sauve Coupeau C'était au 2 décembre (8) | 2 | décembre | 1851 | 8 | |
Vie tranquille rue Neuve de la Goutte d'Or Pendant trois années Étienne mis en pension Étienne, qui allait sur ses huit ans | 1852 1853 1854 | 9 | |||
Gervaise trouve une boutique à louer Le jour même où Nana prenait ses trois ans | 30 | avril | 1854 | 10 | |
Gervaise va demander l'avis de Mme Goujet puis des Lorilleux Le lendemain | 1er | mai | 11 | ||
Coupeau tombe du toit demain, […] Tu viendras me prendre vers six heures son aide {Zidore}, un gamin de dix-sept ans | 18 | 2 | 12 | ||
Coupeau, ramené chez lui, entre la vie et la mort Pendant une semaine | début | 13 | |||
Coupeau hors de danger, début de la convalescence Le neuvième jour | 10 | 14 | |||
Coupeau refait ses premiers pas au bout de deux mois | juillet | 15 | |||
Coupeau marche avec des béquilles Pendant deux mois encore | août… septembre | 16 | |||
Coupeau remarche mais n'a pas repris le travail au bout de six mois (9) | début | novembre | 17 | ||
Goujet prête les cinq cents francs à Gervaise Peu à peu […] un soir Gervaise loue la boutique Dès le lendemain | novembre ~ décembre | 18 | |||
Chapitre V____________Quatre ans | |||||
Les Boche deviennent concierges de la grande maison depuis le terme d'avril | début | avril | 1854 | 1 | |
Signature du bail de location de la boutique Le jour de la location M. Marescot[…] était un homme de cinquante-cinq ans Pauline, la petite des Boche, une enfant rousse de quatre ans | ~ fin | 1854 | 2 | ||
Remise en état de la boutique Dès le lundi suivant Les travaux durèrent trois semaines | ~ fin ~ début | 1854 1855 | 3 | ||
Ouverture de la boutique et déménagement des Coupeau L'emménagement eut lieu tout de suite. Gervaise, les premiers jours | début | 1855 | 4 | ||
5 | |||||
Retour de Coupeau, plus qu'éméché, dans la boutique Une après-midi de juin, un samedi Madame Putois, une femme de quarante-cinq ans sa petite, âgée de deux ans, une enfant nommée Eulalie | un samedi | juin | 6 | ||
Visites (discrètes) de Goujet à la boutique, le soir les nuits de juillet étaient brûlantes | juillet | 7 | |||
Goujet prend Étienne comme apprenti à la forge Le petit, alors âgé d'onze ans (11) | 1856~ 1857 | 8 | |||
Nana chef de bande - brouille avec les Boche Nana, vers la fin de l'été, bouleversa la maison. Elle avait six ans Victor, un grand dadais de dix ans | août~ septembre | 1857 | 9 | ||
Marescot vient réclamer le loyer Au terme d'octobre | début | octobre | 1857 | 10 | |
Gervaise va chez les Lorilleux pour parler de sa belle-mère maman Coupeau, qui avait alors soixante-sept ans (12) | 1855~ 1856 | 11 | |||
Maman Coupeau s'installe chez son fils et Gervaise Dès le lendemain, elle prit maman Coupeau chez elle. | 12 | ||||
Bonne entente de Gervaise avec les voisins du quartier Trois années se passèrent. (13) | 1855… 1857 | 13 | |||
Chapitre VI____________Un an et demi | |||||
Gervaise va voir Goujet à sa forge Une après-midi d'automne | fin de journée | dernier vendredi | sept. ~ décembre | 1857 | 1 |
Gervaise rapporte son ligne à Mme Goujet Le lendemain de la visite de Gervaise à la forge était justement le dernier samedi du mois. | dernier samedi | 2 | |||
Rencontre entre Gervaise et Virginie comme elle descendait l'escalier des Goujet. Virginie, alors âgée de vingt-neuf ans (14) Poisson, le mari, un homme de trente-cinq ans | 3 | ||||
Gervaise s'entend bien avec Virginie et sa boutique a du succès l'hiver était venu, le quatrième hiver (15) que les Coupeau passaient rue de la Goutte-d'Or. | hiver | 1857… 1858 | 4 | ||
Virginie parle de Lantier à Gervaise le lendemain des Rois, midi et demi sonnait, Depuis bientôt sept ans, elle n'avait plus entendu parler de Lantier (16) | début d'après- midi | 7 | janvier | 1858 | 5 |
La blanchisserie havre de chaleur {le père Bru} un vieillard de soixante-dix ans | janvier ~ février | 6 | |||
Gervaise entre Lantier et Goujet Quand le printemps fut venu | mars… mai | 7 | |||
madame Bijard frappée par son mari et ivresse de Coupeau Un jour, la petite Lalie, alors âgée de quatre ans | 8 | ||||
Chapitre VII____________ Un mois | |||||
Habitudes du ménage Les jours de fête, chez les Coupeau | ~1854 …1858 | 1 | |||
Préparation de la fête La fête de Gervaise tombait le 19 juin. […] Cette année-là, un mois à l'avance, | mi- | mai | 1858 | 2 | |
Visite de Virginie, qui dit avoir vu Lantier rôder dans les parages La fête tombait justement un lundi (17) Le samedi, comme les repasseuses bâclaient leur besogne | 19 17 | juin | 3 | ||
Préparatifs du repas Le lendemain dimanche, dès trois heures | après- midi | 18 | 4 | ||
Préparation des lieux Enfin, le lundi arriva. [...] dès le matin, | matin | 19 | 5 | ||
Mise en place du couvert en mettant la table, dès trois heures | 15 | 6 | |||
Arrivée des convives Vers cinq heures | 17 | 7 | |||
Retard de Coupeau qu'il faut aller chercher Il était déjà six heures et demie | 18h30 | 8 | |||
Début du repas Enfin, Gervaise servait le potage aux pâtes d'Italie […] Il était sept heures et demie. | 19…20 | 9 | |||
Repas - chansons - arrivée de Lantier - fin du repas Il devait être très tard | début de nuit | 10 | |||
Souvenirs incertains Le lendemain | 20 | 11 | |||
Chapitre VIII____________ Deux ans et demi | |||||
Retour tardif de Coupeau accompagné de Lantier Le samedi suivant, […] vers dix heures après des neuf ans et des dix ans (18) on lui aurait donné {à Lantier} juste son âge, trente-cinq ans. (18) | 22 | 24 | juin | 1858 | 1 |
Visites quasi-quotidiennes de Lantier dans les premiers jours de novembre […] Au bout d'un mois | novembre… décembre | 2 | |||
Coupeau propose à Lantier de venir s'installer chez eux Quand le printemps revint, | mars ~ avril | 1859 | 3 | ||
Installation de Lantier chez les Coupeau Ce fut dans les premiers jours de juin | début | juin | 4 | ||
Étienne part en apprentissage à Lille juste quinze jours après son installation | mi | 5 | |||
Emprise croissante de Lantier sur la boutique {Nana} Cette merdeuse de dix ans (19) Une année s'écoula de la sorte. | 1859- 1860 | 6 | |||
Lantier essaie d'embrasser Gervaise un soir | 1860 | 7 | |||
Gervaise rencontre Goujet, qui lui propose de venir avec lui Lalie […] n'a pas huit ans le lendemain […] l'après-midi | 8 | ||||
Lantier et Coupeau mènent la belle vie et Coupeau s'alcoolise vers les premiers jours de novembre | début | novembre | 9 | ||
Suite de la bringue de Coupeau Deux jours se passèrent | 10 | ||||
Lantier emmène Gervaise au café-concert à huit heures […] À onze heures | 20… 23 | 11 | |||
Coupeau a souillé la maison, Gervaise va dormir avec Lantier pendant que Lantier la poussait dans sa chambre | 12 | ||||
Chapitre IX____________Deux ans | |||||
Mauvaise santé de maman Coupeau Cet hiver-là, elle devait en avoir soixante-treize à la Saint-Antoine. (20) | décembre ~ février | 1860… 1861 | 1 | ||
Gervaise-Lantier-Coupeau ; disputes avec maman Coupeau un jour, | 2 | ||||
Gervaise rapporte son linge à madame Goujet, qui la réprimande le lendemain | 3 | ||||
Dépérissement de la boutique Pendant une année encore | 1861… 1862 | 4 | |||
Disputes entre Gervaise et Lantier Vers l'automne | ~septembre | 1862 | 5 | ||
Les Coupeau étant au bord de la ruine, Lantier lorgne Virginie En décembre, | décembre | 6 | |||
Dernière maladie et mort de maman Coupeau Janvier était arrivé […] Un lundi soir | nuit | lundi | janvier | 1863 | 7 |
Arrivée de la famille et préparatifs des obsèques Vers sept heures, avant le jour | matin | mardi | 8 | ||
Visite de Marescot, qui menace Gervaise d'expulsion Vers le soir, | soirée | 9 | |||
Veillée mortuaire La veillée commença | nuit | mardi… mercredi | 10 | ||
Enterrement de maman Coupeau dix heures et demie | matin | mercredi | 11 | ||
Dernière soirée de Gervaise dans la boutique (reprise par Virginie) Le soir […] à dix heures | soir | 12 | |||
Chapitre X____________Deux ans | |||||
Les Coupeau dans leur chambre du sixième étage. Les premiers jours, ce saut de treize ans en arrière (21) | ~ janvier | 1863 | 1 | ||
Coupeau travaille un temps à Étampes, les dettes diminuent. L'hiver était presque fini, […] Puis, dès les beaux jours, | mars ~ avril | 2 | |||
Première communion de Nana. Ce fut cette année-là, en juin Elle allait sur ses treize ans (22) | juin | 3 | |||
Annonce de la suite du chapitre Deux années s'écoulèrent, | juin ~ juin | 1863… 1865 | 4 | ||
Peu à manger, mais encore un peu de feu. Le premier hiver | décembre ~ mars | 1863… 1864 | 5 | ||
Nouvelle dégringolade, difficultés pour payer le loyer. le second hiver […] le terme de janvier | début | janvier | 1865 | 6 | |
Misère des voisins : le père Bru, Bazouge, Lalie. La petite Lalie, cette gamine de huit ans (23) | 7 | ||||
Première crise de Coupeau, de Lariboisière à Sainte-Anne. Au mois de mars, | mars | 8 | |||
Coupeau rentre chez lui. quelques jours plus tard | 9 | ||||
Mais il sombre à nouveau dans l'ivrognerie. dès la fin de la quinzaine | ~ avril | 10 | |||
À l'Assommoir, Gervaise se joint à Coupeau et ses camarades. un samedi | 11 | ||||
Chapitre XI____________ Trois ans | |||||
Adolescence de Nana. À quinze ans, (24) | 1866 | 1 | |||
Nana apprentie fleuriste et son « vieux ». Un matin de juillet quinze ans et demi, | juillet | 2 | |||
Colères de Coupeau contre la conduite de sa fille. lorsque l'hiver arriva | décembre | 3 | |||
Nana quitte le logement familial. un samedi | début | 1867 | 4 | ||
Gervaise femme de ménage de Virginie, dont Lantier mange la boutique tout en cocufiant le mari. On bouleversait le quartier, cette année-là. On perçait le boulevard Magenta et le boulevard Ornano (25) | 5 | ||||
Gervaise et Coupeau retrouvent Nana dans un bal. un soir de novembre | novembre | 6 | |||
Nana alterne séjour chez ses parents et fugues. Et des semaines, des mois s'écoulaient | 1868 | 7 | |||
Coupeau de plus en plus rongé par l'alcool. En trois ans, il entra ainsi sept fois à Sainte-Anne (26a) Ceux qui savaient son âge, quarante ans sonnés, (26b) | 8 | ||||
Départ définitif de Nana. Ce fut aux premières gelées […] les mois s'écoulèrent […] juin arriva, | novembre… juin | 1868… 1869 | 9 | ||
Chez Virginie, Lantier dit qu'il a vu Nana menant grand train. En juillet, un matin, | juillet | 1869 | 10 | ||
Chapitre XII____________ Une journée | |||||
Désespoir de Gervaise, affamée. quelque chose comme le 12 ou le 13 janvier (28) | matin | samedi ~ 15 | janvier | 1870 | 1 |
Gervaise va demander dix sous aux Lorilleux. Il n'était que trois heures […] Pendant une demi-heure | 15… ~16 | 2 | |||
Agonie de Lalie. comme elle arrivait devant les Bijard | 3 | ||||
Gervaise cherche et trouve Coupeau mais il la rabroue. dans le crépuscule jaune | fin de journée | 4 | |||
Elle passe devant l'hôtel Boncœur. Vingt ans seulement, mon Dieu ! (27) | 5 | ||||
Elle essaie de racoler, sans succès. la nuit était très sombre | début de nuit | 6 | |||
Elle croise Bru qui mendie, puis dernière rencontre avec Goujet. cet infini noir et désert de Paris endormi | nuit | 7 | |||
Retour à la grande maison et passage chez Bazouge. cette nuit-là | premières heures | dimanche | 8 | ||
Chapitre XIII____________ Quelques mois | |||||
Étienne envoie dix francs. (29) Le lendemain | ~ 16 | janvier | 1870 | 1 | |
Pas de nouvelles de Coupeau, jusqu'à l'avis de l'asile. Toute la semaine se passa […] juste le dimanche | dimanche ~ 23 | 2 | |||
Gervaise va voir Coupeau à Sainte-Anne. le lundi […] Elle partit à midi | après- midi | lundi | 3 | ||
Chez les Boche, Gervaise raconte à tous sa visite. le soir | soirée | 4 | |||
Gervaise retourne à Sainte-Anne. le lendemain | mardi | 5 | |||
Dernière visite de Gervaise et mort de Coupeau. le lendemain | mercredi | 6 | |||
Déchéance finale de Gervaise, installée dans la niche du père Bru. Gervaise dura ainsi pendant des mois | janvier… été ? | 7 | |||
Gervaise trouvée morte, « déjà verte ». Un matin, comme ça | été ~ automne ? | 8 |
À titre de curiosité, mentionnons qu'une des ébauches du roman le situait aux Batignolles et un autre, à La Villette.
Le 29 juillet trouve donc sa place naturelle entre ces deux événements.
Pour le problème posé par le samedi, voir l'Annexe III (§ 1).
Les pricipaux changements sont repris dans les deux cartes ci-contre______a a a Placer la souris sur l'image pour afficher l'autre carte. • Pour le boulevard de Rochechouart, se reporter au paragraphe e [⇒] de l'annexe dans l'Atlas. • Le boulevard Ornano a été construit à partir de 1863, entre l'ancienne barrière Poissonnière au sud et la porte de Clignancourt au nord ; on peut donc concevoir qu'il ait encore été en travaux en 1866-1867. NB- en 1888, la partie sud (celle qu'on voit sur la carte) prendra le nom de boulevard Barbès, qu'elle porte encore aujourd'hui. • La mention du boulevard [de] Magenta est plus surprenante ; en effet, sa partie nord-ouest (celle qui nous occupe, entre la barrière Poissonnière et la rue du Faubourg-Saint-Martin) a été percée dès 1855 (l'autre section, du Faubourg-Saint-Martin à la Place de la République, date de 1859) ; ces travaux sont donc nettement antérieurs à ceux du boulevard Ornano et, plus encore, à ce chapitre. |
Il n'y a donc que deux divergences (d'une année à chaque fois) :
Le blog situe ces chapitres au début de 1871, les arbres généalogiques et les premières notes préparatoires indiquent 1868 ou 1869 ; ce tableau les place dans la première moitié de 1870 - non pas pour couper la poire en deux, mais parce que les événements semblent conduire à cette date, qui se trouve précéder de peu la déclaration de la guerre et la chute de l'Empire. Et on peut trouver confirmation de cette date dans la dernière ébauche du chapitre XII dans le Plan complet :
3 avril 1788 | Maman Coupeau | |
1788 | monsieur Bru (dit le père Bru) | |
1799 | monsieur Marescot | |
1806 | madame Goujet | |
1810 | Colombe (dit le père Colombe) | |
1810 | madame Putois | |
1814 | madame Lerat | |
29 sept. 1820 | Lorilleux [1] | |
1820 | Anna Lorilleux | |
1820 | monsieur Poisson [5] | |
1824 | Auguste Lantier | |
1824 | François Coupeau (dit Cadet-Cassis) | |
1828 | Goujet (dit la Gueule-d'Or) | |
1828 | Gervaise Macquart [2] | |
1828 | Virginie Poisson | |
1834 | Isidore (dit Zidore) | |
1842 | Claude Lantier [2] | |
1846 | Étienne Lantier [2] | |
1847 | Victor Fauconnier | |
30 avril 1851 vers 17 heures | Anna Coupeau [3] | |
1851 | Pauline Boche | |
1853 | Eulalie Bijard (dite Lalie) [4] |
Le tableau ci-dessous n'a assurément pas de valeur scientifique, en raison du caractère très limité
Rang | Année | Titre | Bonaparte | Napoléon | (l')Empereur | Badinguet | Total | |
6 | 1876 | Son Excellence Eugène Rougon | 1 (a)+ 1. (b) | 5 (a)+ 2 | 205 | 3 | 217 | |
7 | 1877 | L'Assommoir | 4 | 2 | 15 | 2 (c) | 23 | |
9 | 1880 | Nana | 0 | 2 | 10 | 0 | 12 | |
11 | 1883 | Au Bonheur des Dames | 0 | 0 | 1 | 0 | 1 | |
13 | 1885 | Germinal | 0 | 0 | 5 | 0 | 5 | |
14 | 1886 | L'Œuvre | 0 | 1 (a) | 4 | 0 | 5 | |
17 | 1890 | La Bête humaine | 0 | 5 (a) | 3 | 0 | 8 |
On peut voir que la figure impériale est plus présente dans L'Assommoir que dans les autres romans d'inspiration sociale comparable.
Quand on arrive au terme du roman et de la recherche de chronologie, comment ne pas s'interroger sur le parallèle entre l'histoire de Gervaise Coupeau et celle du Second Empire ?
Mais on peut aussi observer deux coïncidences :
L'Assommoir, lui, se déploie sur vingt ans présentés de façon linéaire, de mai 1850 à l'été ou l'automne 1870 ; à quelques mois ou quelques semaines près, c'est l'aventure impériale de Charles Louis Napoléon Bonaparte. Tout a donc commencé dans les derniers mois de la IInde République, quand, dans le Prince-Président, le premier a entrepris d'étouffer le second. Pour ce qui est de la fin, elle mérite qu'on s'y attarde un peu.
L'étude de la chronologie interne a montré que les repères étaient nombreux et, souvent, assez précis : le mariage a lieu le 29 juillet, Nana est née le 39 avril et (pour les deux derniers chapitres) la nuit du désespoir se situe le 12 ou 13 janvier, alors que Coupeau meurt quatre jours plus tard ; et cette mort, Zola nous la fait vivre (si j'ose dire) :
Les pieds nus, hors du lit, dansaient toujours. Ils n'étaient guère propres, et ils avaient les ongles longs. Des heures encore passèrent. Tout d'un coup, ils se raidirent, immobiles. Alors, l'interne se tourna vers Gervaise, en disant :
- Ça y est.
La mort seule avait arrêté les pieds.
Rien de tel pour Gervaise, dans la dernière page du roman ; la seule indication temporelle est qu'elle dura ainsi pendant des mois. Puis, Un matin, comme ça sentait mauvais dans le corridor - Gervaise est déjà morte depuis un ou deux jours, dans l'indifférence générale et notre propre ignorance.
Il est très intéressant de comparer cette fin du roman avec ce que Zola notait dans ses Ébauches :
Pour le détail, on peut observer que l'auteur ne retiendra pas la jalousie de Mme Fauconnier (concentrée chez Anna Lorilleux) ; plus fondamentalement, c'est pour Lalie ou sa mère que l'on pourrait parler de drame et de mort (ou, au moins, d'agonie) tragique.
Pour en revenir aux dates, comme il est mentionné à la fin de la note (30), les arbres généalogiques (en accord avec les Ébauches ) situent la mort de Gervaise en 1869, à l'âge de 41 ans - mais la chronologie interne nous conduit jusqu'en 1870, la faisant mourir dans les dernières semaines de l'Empire ; ainsi la boucle se referme-t-elle : l'histoire des Coupeau avait croisé l'Histoire de France dans les débuts du couple, au 2 décembre ; elle la retrouve pour finir, mais dans un monde où tout s'est dissous, même le temps.
D'abord, à titre indicatif, voici le nombre d'occurrences de chaque jour dans l'ensemble de L'Assommoir :
lundi | mardi | mercredi | jeudi | vendredi | samedi | dimanche | |
16 | 7 | 1 | 3 | 7 | 25 | 20 |
On peut constater une nette domination des extrémités de la semaine sur sa partie médiane.
Mais la principale raison d'être de cette annexe tient aux questions posées par l'emploi de certains noms dans le cadre même de la chronologie.
En effet, Zola associe le nom du jour à une date (directement ou indirectement) dans quatre cas :
→ le mariage de Gervaise et Coupeau, le baptême de Nana, la fête de Gervaise, la nuit du désespoir
Or les choses sont claires (à défaut d'être simples) : le jour mentionné n'est pas celui qu'on attendrait.
(cf. les deux allusions mentionnées dans la note (5), confirmées par les Projets ) ; or, dans la réalité, le 29 juillet 1850 tombe un lundi ; comme on peut le vérifier d'après cet extrait d'affiche citée dans la Bibliographie de l'Empire français a a a (consultable à cette adresse [⇒]). |
Comment expliquer ces différences ? Zola aurait-il choisi les jours au hasard ? On peut seulement observer
1870 est une année aussi sinistre pour Gervaise et les siens que, politiquement et militairement, pour la France. En effet, on y voit mourir
Des descendants d'Adélaïde Foulque par Antoine puis Gervaise Macquart, seul subsiste Étienne, un peu par défaut, puisqu'on ignore tout de son destin après qu'il a quitté la mine, en 1868 ; mais dans l'arbre de 1878, la mention vit que Zola a ajoutée (à la main) à côté de son cartouche est un rayon d'espoir, au milieu des mort et morte.
Sans oublier son père Auguste, que nous laissons bien au chaud à l'abri de sa tripière.
Puisque Zola place l'événement le dernier jour d'avril, il ne peut s'agir que du 30 avril 1851 ; c'est la date indiquée par Anne Sculfort sur son site Passion Lettres [⇒], c'est aussi celle qui figure sur le diagramme du blog de Bertrand [⇒]. Et (que souhaiter de plus ?) c'est la date mentionnée par Zola lui-même dans ses Ébauches : Elle en a tout de suite une fille, Anna, en 51
w e | dans les deux arbres généalogiques publiés par Émile Zola, il est indiqué que Nana est née en 1852 a a a C'est donc cette date que l'on trouve dans nombre de documents dérivés (tel celui-ci [⇒], choisi à titre d'exemple) le cartouche de Gervaise accroît encore la confusion a a a placer le curseur de la souris sur l'image pour afficher cet autre cartouche |
Ce n'est pas un hasard si, dans le roman, Anna voit le jour très exactement neuf mois et un jour après la nuit de noce (du 29 juillet au 30 avril de l'année suivante – dans son Plan complet, Zola avait écrit : l'accouchement fixer la date, neuf mois jour pour jour ); mais ici, vu les dates respectives des deux événements, elle serait née trois mois avant le mariage…
Comme il est écrit dans la page de Passion Lettres consacrée à cet ouvrage, Zola prend des libertés avec la chronologie. Et ce n'est pas la situation la plus confortable que de devoir écrire Nana est née en 1851 quand les derniers documents publiés par son créateur mentionnent 1852, tout en laissant supposer 1848 d'un côté et 1853 de l'autre.
Ces particularités rappellent l'épithète homérique, telle que ποδας ωκυς Αχιλλευς (Achille au pied léger - que l'on peut rencontrer même quand le héros est assis).
Cette façon de faire semble trouver un écho avec deux personnages de L'Assommoir :
Habituellement, c'est la présence d'un élément inattendu qui pose problème ; dans le cas présent, c'est à l'inverse l'absence d'un personnage qui surprend.
Une visite de Claude à ses parents ou un mot de Gervaise sur la charcuterie de sa sœur n'auraient donc pas étonné. En fait, c'est de madame Lorilleux que vient la seule allusion :
– Une mariée qui n'amène seulement pas un parent à sa noce ! Elle dit avoir à Paris une sœur charcutière. Pourquoi ne l'a-t-elle pas invitée, alors ?
Ainsi l'auteur avait-il envisagé la présence de Lisa au mariage, mais sans y donner suite (le trait critique d'Anna Lorilleux n'aurait plus eu de raison d'être), sans non plus donner d'explication à cette absence.
Ce qui est étrange, en revanche, c'est qu'il n'y ait pas le moindre mot sur Jacques
Eh oui ! Étienne, né quatre ans après Claude, est bien alors le second fils de Gervaise.
Tout s'éclaire quand on compare les différents documents annexes publiés par Zola.
Ainsi Jacques a-t-il été créé après la publication de L'Assommoir, pour les besoins de La Bête humaine. |
Annexe VIII : Vous ici ? | mentionné | |
Simple rappel de la présence de quelques personnages dans les Rougon-Macquart : | actif | |
central |
Titre | Gervaise | Claude | Jacques | Étienne | Nana | Lantier | Coupeau | Lerat | Lisa | Jean |
01 - La Fortune des Rougon | ||||||||||
03 - Le Ventre de Paris | ||||||||||
07 - L'Assommoir | ||||||||||
09 - Nana | ||||||||||
12 - La Joie de vivre | ||||||||||
13 - Germinal | ||||||||||
14 - L'Œuvre | ||||||||||
15 - La Terre | ||||||||||
17 - La Bête humaine | ||||||||||
19 - La Débâcle | ||||||||||
20 - Le docteur Pascal |
Le discours indirect libre n'est pas propre à L'Assommoir, ni même à Émile Zola, mais la façon dont il l'y a utilisé peut mériter un détour.
On sait qu'il y a deux façons de rapporter les propos d'un tiers : le discours direct (en rapportant les paroles à la façon d'un magnétophone) et le discours indirect (qui les incorpore dans le discours principal) ; le discours direct demande évidemment qu'on rapporte les propos très exactement, alors que, dans le discours indirect, c'est le sens qui importe.
Mais il existe un troisième type, métis des deux premiers, le discours indirect libre (qui sera désigné ici par ses initiales d.i.l. ). Pour schématiser, on pourrait présenter les choses comme ci-dessous.
NB1- ce tableau n'est pas un cours de grammaire ; il ne reprend donc que les éléments les plus caractérisiques, sans chercher à envisager tous les cas de figure ;
NB2- en plaçant le curseur de la souris sur un intitulé (comme impératif ou {absentes} ), on affiche dans une info-bulle un exemple correspondant ; les phrases au discours direct sont empruntées au roman tandis que les équivalents indirect et indirect libre sont reconstitués.
Discours | direct | indirect libre | indirect |
Marque introductrice | : « — | {aucune} | que |
Personnes | 1ère/2ème | 3ème | 3ème |
Temps | présent futur | imparfait conditionnel | imparfait conditionnel |
Ordres | impératif | que + subjonctif | que + subjonctif de + infinitif |
Interjections/exclamations | {possibles} | {possibles} | {absentes} |
Interrogation | est-ce que... ? {inversion du sujet} qu'est-ce que ...? | est-ce que... ? {inversion du sujet} qu'est-ce que ...? | si ce que |
Ainsi le d.i.l. tient-il pour l'essentiel du discours indirect dont il tire son nom et dont il adopte la distanciation que représentent les changements de temps et de personnes - mais avec quelques particularités qui permettent d'éviter la lourdeur inhérente à la subordination grammaticale ; un exemple simple, celui de Gervaise venue chez les Lorilleux pour la prise en charge de maman Coupeau :
Maman Coupeau avait trois enfants ; si chacun donnait cent sous, ça ne ferait que quinze francs
Au discours indirect, cette phrase devient
Elle rappela que maman Coupeau avait trois enfants et que, si chacun donnait cent sous, ça ne ferait que quinze francs.
L'effet stylistique est assurément différent.
Mais la portée de cette absence de subordination dépasse la grammaire et le style. Partons cette fois-ci d'un extrait du texte au d.i.l. dans ce dialogue entre Gervaise et son mari en train d'importuner Clémence :
- Laisse-la, tu n'es pas raisonnable, déclara tranquillement Gervaise. Nous sommes pressées, entends-tu ?
Elles étaient pressées, eh bien ! quoi ? ce n'était pas sa faute. Il ne faisait rien de mal. Il ne touchait pas, il regardait seulement.
Il est clair que les phrases du second paragraphe équivalent à
- Vous êtes pressées, eh bien ! quoi ? ce n'est pas ma faute. Je ne fais rien de mal. Je ne touche pas, je regarde seulement.
Force est de constater que le mouvement de la réponse de Coupeau est difficile à rendre au discours indirect, du moins sans détour :
Il répondit que, si elles étaient pressées, ce n'était pas de sa faute, qu'il ne faisait rien de mal, qu'il ne touchait pas, qu'il regardait seulement.
Mais la suite de cette scène montre que ce n'est pas non plus une simple affaire de style :
Est-ce qu'il n'était plus permis de regarder les belles choses que le bon Dieu a faites ? Elle avait tout de même de sacrés ailerons, cette dessalée de Clémence ! Elle pouvait se montrer pour deux sous et laisser tâter, personne ne regretterait son argent. L'ouvrière, cependant, ne se défendait plus, riait de ces compliments tout crus d'homme en ribotte. Et elle en venait à plaisanter avec lui. Il la blaguait sur les chemises d'homme. Alors, elle était toujours dans les chemises d'homme ? Mais oui, elle vivait là dedans. Ah ! Dieu de Dieu ! elle les connaissait joliment, elle savait comment c'était fait.
La partie en gris correspond clairement aux paroles de Coupeau, la suite en orange, au récit ; puis on revient à Coupeau avec la phrase en jaune (équivalant à Alors, vous êtes toujours dans les chemises d'homme ? ). Mais qui parle ensuite ? Au discours indirect, aurait-on Coupeau ajouta que... ou Clémence répondit que... ? Et ici, même au discours direct, il aurait fallu trancher :
— Alors, vous êtes toujours dans les chemises d'homme ? Mais oui, Vous vivez là-dedans. Ah Dieu de Dieu ! Vous les connaissez joliment [...]
ou alors
— Alors, vous êtes toujours dans les chemises d'homme ?
— Mais oui, je vis là-dedans. Ah Dieu de Dieu ! Je les connais joliment [...]
Même si, arrivé au bout de la phrase, on penche pour une réponse de Clémence, on a passé par un temps d'incertitude, où les voix se confondent.
Pourtant les effets les plus forts ne reposent pas sur l'hésitation entre deux locuteurs ; regardons encore ce qui caractérise le d.i.l. : temps du passé, troisième personne, pas de marque d'introduction - ce sont les caractéristiques mêmes du récit ; et c'est bien sur cette ambiguïté entre paroles ou pensées des personnages et réflexions du narrateur que se joue l'essentiel.
En voici deux exemples parmi les plus saillants :
Gervaise, énorme, tassée sur les coudes, mangeait de gros morceaux de blanc, ne parlant pas, de peur de perdre une bouchée ; et elle était seulement un peu honteuse devant Goujet, ennuyée de se montrer ainsi, gloutonne comme un chatte. Goujet, d'ailleurs, s'emplissait trop lui-même, à la voir toute rose de nourriture. Puis, dans sa gourmandise, elle restait si gentille et si bonne ! Elle ne parlait pas, mais elle se dérangeait à chaque instant, pour soigner le père Bru et lui passer quelque chose de délicat sur son assiette. C'était même touchant de regarder cette gourmande s'enlever un bout d'aile de la bouche, pour le donner au vieux, qui ne semblait pas connaisseur et qui avalait tout, la tête basse, abêti de tant bâfrer, lui dont le gésier avait perdu le goût du pain. |
Dans ce passage, ce qui est en jaune correspond visiblement à de la narration ; mais que dire des phrases en gris ? Sont-elles encore du narrateur, ou faut-il y voir les réflexions de Goujet, qui penserait Qu'elle reste si gentille et si bonne ! et C'est même touchant de regarder... ?
Quelques lignes plus bas, on peut lire :
Cependant, Clémence achevait son croupion, le suçait avec un gloussement des lèvres, en se tordant de rire sur sa chaise, à cause de Boche qui lui disait tout bas des indécences. Ah ! nom de Dieu ! oui, on s'en flanqua une bosse ! Quand on y est, on y est, n'est-ce pas ? et si l'on ne se paie qu'un gueuleton par-ci par-là, on serait joliment godiche de ne pas s'en fourrer jusqu'aux oreilles. Vrai, on voyait les bedons se gonfler à mesure. Les dames étaient grosses. Ils pétaient dans leur peau, les sacrés goinfres ! La bouche ouverte, le menton barbouillé de graisse, ils avaient des faces pareilles à des derrières, et si rouges, qu'on aurait dit des derrières de gens riches, crevant de prospérité. |
La première phrase revient à l'évidence au narrateur ; mais la suite ? le juron (nom de Dieu ! ), le vocabulaire trivial (s'en flanquer une bosse, gueuleton, sacrés goinfres ) semblent bien venir des convives eux-mêmes, tout comme le jugement on serait joliment godiche [...]. Réflexions des invités, au d.i.l. ? ou description satirique due au narrateur (on aurait dit des derrières de gens riches ) ?
Dernier exemple, dans la même page :
Coupeau versait de haut, pour voir le jet rouge écumer ; et quand un litre était vide, il faisait la blague de retourner le goulot et de le presser du geste familier aux femmes qui traient les vaches. Encore une négresse qui avait la gueule cassée ! Dans un coin de la boutique, le tas des négresses mortes grandissait, un cimetière de bouteilles sur lequel on poussait les ordures de la nappe. |
De ces trois phrases, la première et la dernière sont clairement narratives ; mais celle du milieu ? Sans doute est-ce la transposition au d.i.l. de Coupeau disait alors : « Encore une négresse qui a la gueule cassée ! »
mais l'image, surtout avec la reprise du tas des négresses mortes, semble bien dépasser Coupeau et baver sur le récit.
Jusqu'à son dernier râle, ce pauvre chat restait la petite mère de tout son monde. En voilà une qu'on ne remplacerait pas, bien sûr ! Elle mourait d'avoir eu à son âge la raison d'une vraie mère, la poitrine encore trop tendre et trop étroite pour contenir une aussi large maternité. Et, s'il perdait ce trésor, c'était bien la faute de sa bête féroce de père. Après avoir tué la maman d'un coup de pied, est-ce qu'il ne venait pas de massacrer la fille ! Les deux bons anges seraient dans la fosse, et lui n'aurait plus qu'à crever comme un chien au coin d'une borne. Gervaise, cependant, se retenait pour ne pas éclater en sanglots. Elle tendait les mains, avec le désir de soulager l'enfant ; et, comme le lambeau de drap glissait, elle voulut le rabattre et arranger le lit. Alors, le pauvre petit corps de la mourante apparut. Ah ! Seigneur ! quelle misère et quelle pitié ! Les pierres auraient pleuré. |
Qui s'exprime dans ces phrases, le narrateur ou Gervaise ? il y a là une empathie qui ne peut que nous gagner, et qui force l'émotion.